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séailles. — la science et la beauté.

M. Brcke[1] intitule son livre Principes scientifiques des beaux-arts ; mais il n’entend s’occuper que des rapports de la science positive avec les éléments matériels qui constituent le langage de l’art. Considérez un tableau, sans vous inquiéter du sujet qu’il représente : vous avez sous les yeux des formes, de la lumière, des couleurs ; or il y a une science, l’optique, qui cherche les lois de la lumière, détermine la marche de ses rayons à travers les différents milieux qu’elle traverse, tour à tour la décompose et la recompose, en fait jaillir ou y fait rentrer les diverses couleurs. Ce n’est pas tout : le tableau est une surface plane, et cependant, pour nous, les objets représentés ont trois dimensions : les formes sortent en relief, les rondeurs s’accusent, les profondeurs se creusent et fuient devant le regard ; c’est l’œil qui est l’auteur de ces illusions ; c’est lui qui par son mode de percevoir, par ses habitudes acquises, modèle ces objets et développe ces étendues. Or il est une science, la physiologie, qui étudie le sens de la vue, qui cherche dans la structure et dans la disposition de l’organe la raison des fonctions qu’il accomplit. L’étude de l’optique et de la physiologie, en nous révélant les rapports qui s’établissent entre l’œil et la lumière, ne nous permettrait-elle pas de rendre compte des procédés que les peintres ont découverts et appliqués spontanément, de mieux connaître les combinaisons des couleurs et les principes de leur harmonie, d’indiquer suivant quelles lois les distances modifient les rapports de grandeur, de clarté, de coloration. En ce sens, rattacher la peinture à ses principes scientifiques, c’est donner plus de précision à la technique de l’art, c’est rattacher à la nature de l’œil et de la lumière, aux lois découvertes par l’optique et la physiologie des sens, les moyens employés pour produire l’illusion pittoresque.

Ce que le peintre veut d’abord, c’est représenter l’image des objets extérieurs. Dans quelles limites et par quels moyens peut-il y réussir ? Le problème paraît simple. Primitivement, tous les objets nous paraissent étendus sur un même plan, disposés sur une surface à deux dimensions, collés les uns près des autres sur un grand voile

  1. Le grand défaut du livre de Brücke, il le reconnaît lui-même dans sa préface, c’est le manque d’unité, l’absence de toute idée générale. Négligeant quelques remarques sur la perspective dans la sculpture, dans l’architecture, nous nous occuperons uniquement de la peinture, et nous emprunterons à la belle conférence de Helmholtz, imprimée à la suite du volume, le plan qui nous permettra de coordonner les idées dispersées de Brücke.