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sations est la seule vraie liaison qui se manifeste entre ce qui est différent, liaison dont on ne peut donner le pourquoi : l’esprit ne se déshabitue pas cependant de demander ce pourquoi.

Une liaison de ce qui diffère reste toujours une contradiction du grand principe d’identité. De là cette tendance incessante à dépasser l’expérience, qui fait le fond de la métaphysique. Cette prétendue science poursuit une synthèse qui lui permettrait de réduire à une même conception l’absolu et le monde conditionnel. Mais toute tentative de ce genre doit échouer fatalement, car aucune opération de l’esprit ne peut éliminer la relativité des objets de la nature ni changer la loi suprême de la pensée, qui est en opposition avec cette qualité des objets.

Sans parler du matérialisme, qui est une doctrine métaphysique à son insu et auquel les empiristes conséquents et réfléchis ont renoncé depuis qu’ils ont reconnu l’impossibilité d’affranchir l’expérience de la métaphysique à moins de nier l’existence des corps, les deux grands systèmes de philosophie transcendentale sont le panthéisme et le théisme.

Il n’y a, selon M. Spir, qu’une forme raisonnable de la doctrine panthéiste : les choses multiples du monde auraient, dans un état antérieur, constitué une unité ; cette unité serait par la suite divisée en existences séparées. Une part toutefois de cette unité aurait conservé plus que toutes les autres de l’étoffe commune, représenterait l’unité primitive et servirait de centre aux éléments dispersés ; telle est à peu près la théorie de l’émanation. — Mais cette forme elle-même du panthéisme ne soutient pas l’examen, car cette unité primordiale n’est pas, si elle est susceptible de se diviser, une véritable unité. Que s’il ne s’agit, sous ce nom, que d’une réunion d’éléments divers, nous n’avons plus l’absolu.

Le théisme est une doctrine bien plus répandue que la précédente ; mais nous savons que l’absolu ne peut être considéré comme la cause du monde réel et que l’on ne peut même pas soupçonner de cause à ce dernier, quel que soit le point de vue auquel on se place. Le principe de causalité permet de conclure de cas semblables à d’autres cas semblables, mais jamais de franchir les bornes de l’expérience. Nous dirons donc avec Kant : Si la loi de causalité devait conduire à l’être primordial, celui-ci ferait partie de la chaîne des objets empiriques. Seulement Kant n’a pas été conséquent avec lui-même quand il a regardé la chose en soi, ou le noumène, comme la cause des phénomènes.

Il est encore bien plus difficile de concevoir la nature de l’absolu d’après des analogies empruntées à l’expérience, et la réflexion en épurant l’idée de Dieu, en ne lui attribuant plus que la nature morale de l’homme, a fait encore une œuvre vaine : nous ne trouvons rien dans le monde relatif qui nous permette de concevoir l’absolu.

Les recherches philosophiques aboutissent en définitive à une antinomie qui peut se résumer en ces termes : ce qui est réel en soi est