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ce qu’exprime le principe de causalité : aucun changement n’a lieu sans cause. »

Si l’on songe, d’autre part, que le changement est le seul caractère qui indique la dépendance, on comprendra pourquoi il y a une loi générale des phénomènes successifs et pourquoi il n’y a pas de loi également générale des phénomènes simultanés. Il est nécessaire d’ajouter que le mot causalité est pris ici dans son sens métaphysique. Tandis que dans les sciences physiques et naturelles, où l’on se propose de chercher les lois données des phénomènes et les conséquences données qu’on en peut tirer, on doit entendre par le mot cause la somme totale des antécédents ; la philosophie, qui se borne à considérer et à fixer la loi générale de causalité, ne comprend sous le même nom de cause que des changements.

Causes et effets sont liés par des lois immuables, c’est encore une conséquence du principe de causalité, et, de ce qu’il y a une loi immuable qui relie les causes aux effets, on peut conclure que la nature, tout en changeant dans le détail, reste, dans la liaison, dans la réunion régulière de ce détail, ce qui veut dire dans son ensemble, semblable à elle-même. C’est un retour au principe d’identité. Toutefois l’identité, ici, n’est pas inconditionnelle. Cela revient à dire que si, dans le détail, le monde du changement est conditionnel, dans son ensemble, dans les lois qui le régissent, il est constant et par conséquent ne contredit pas le principe d’identité. De là tirent leur valeur toutes les inductions, toutes les conclusions du passé à l’avenir.

Ainsi, un monde tout entier dans un perpétuel devenir, car la notion d’être conditionnellement et celle de devenir sont exactement adéquates, un domaine du conditionnel dans lequel, suivant l’expression de Platon rien n’est, tout devient, tel est le monde de l’expérience. Le moi lui-même, qui nous apparaît incontestablement comme quelque chose qui reste semblable à soi-même, ne doit cette apparence qu’à l’immutabilité de la loi qui force le sujet à reconnaître tous ses états de conscience comme siens et à se reconnaître en eux comme quelque chose de persistant. Il ne se trouve rien dans son contenu qui réponde à l’idée de substance. Ce qu’il y a d’immuable dans ce monde expérimental n’a rien de la substance : ce sont uniquement les lois des phénomènes et leur coordination, soit au point de vue de la simultanéité, soit à celui de la succession.

Quel est le rapport de ce domaine de l’expérience, de ce devenir avec l’être, avec le domaine de l’absolu ?

Ce rapport ne ressemble à aucun de ceux que nous connaissons : le monde n’est ni une propriété ou un état, ni une partie, ni une idée, ni enfin un produit de l’absolu. Mais on pourrait comprendre ce rapport comme analogue à celui qui existe entre un objet et une idée fausse de cet objet. En réalité, si la véritable essence a, et nous ne pouvons en douter, une relation quelconque avec le phénomène, nous ne connaissons pas cette relation et ne pouvons pas la connaître. L’hypothèse