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Nous avons fait consister l’espace dans une corrélation régulière entre nos impulsions motrices et les diverses impressions dont elles provoquent le retour. Mais l’impulsion volontaire qui produit le mouvement est un acte psychique, ainsi que le changement correspondant de la sensation, qui en résulte. « Le premier acte ne pourrait-il pas produire le second, par une action purement psychique ? Cela n’est pas impossible. N’est-ce pas ce qui a lieu dans le sommeil ? » Si tout se passait dans le songe avec la régularité de l’ordre naturel, le sommeil ne différerait de la veille que par la possibilité du réveil. « Je ne vois pas comment on pourrait réfuter même l’idéalisme subjectif le plus extrême, celui qui considère la vie comme un songe. » On sait comment Calderon a développé ingénieusement cette idée dans : « La vie, un songe. » Fichte soutient que le moi ne pose le non-moi, c’est-à-dire le monde des phénomènes, que parce qu’il en a besoin pour le développement de son activité pensante. Il n’admet la réalité des autres moi que sur l’autorité de la loi morale.

L’hypothèse réaliste considère le monde matériel comme indépendant de notre représentation. Elle est sans doute la plus simple que nous puissions former ; mais elle n’est toujours qu’une hypothèse. « Nous ne pouvons lui assigner une vérité nécessaire, puisqu’à côté d’elle les autres hypothèses idéalistes demeurent irréfutables. » Le savant doit admettre toutes les hypothèses légitimes et ne pas oublier, s’il se prononce en faveur du réalisme, qu’il ne s’appuie que sur une supposition métaphysique.

« Ce que nous pouvons déclarer incontestable comme un fait indépendant de toute hypothèse, c’est la régularité des phénomènes. » Nous donnons le nom de loi au rapport constant entre des grandeurs changeantes. La substance est ce qui demeure immuable et indépendant de tout le reste à travers le changement et la durée. La substance, ainsi entendue, ne nous est jamais connue que d’une manière problématique. La lumière et la chaleur, considérées autrefois comme des substances, ont été reconnues comme des formes passagères du mouvement ; et nous devons toujours nous attendre que l’on réduise le nombre des substances chimiques, actuellement acceptées. La loi, voilà le produit direct et primitif de la pensée. En tant qu’elle nous apparaît comme une puissance indépendante de notre volonté, nous la nommons une force. La loi caractérise essentiellement la réalité ; et la réalité, c’est-à-dire la force immuable, cachée derrière les phénomènes, qui agit sur nous, est désignée heureusement en allemand par le nom de l’agissant, « das Wirkliche ».

Nous croyons que la nature est soumise à des lois, parce qu’autrement elle ne serait pas intelligible : mais cette croyance, à laquelle on donne encore le nom de principe de causalité, est une notion transcendantale, à priori. C’est là ce que Kant a l’immortel honneur d’avoir irrévocablement démontré. La science ultérieure a sans doute rectifié et complété ses idées sur l’intuition sensible et les axiomes géométri-