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reinach.le nouveau livre de hartmann

physique, mais de faire voir ce qu’elle serait, à supposer qu’elle existât. Les philosophes spiritualises, par exemple M. Janet dans son livre sur La morale, postulent : 1° qu’il y a parmi les choses des degrés d’excellence ; 2° qu’il y a une obligation de rechercher les choses les plus excellentes de préférence aux autres. On pourrait multiplier les exemples. De tous, il ressort que le seul moyen de critiquer un système de morale, c’est de vérifier si les principes métaphysiques qu’il admet sont solides, indépendamment de leur valeur éthique, puis si ses parties sont bien d’accord entre elles et si les conclusions ne détruisent pas les prémisses.

Ce résultat n’est point en contradiction avec le rôle éminent de la morale comme critérium de la métaphysique. Quand on dit que les systèmes ne résistent généralement pas à l’épreuve de l’application à la morale, on n’entend pas qu’ils donnent une loi morale fausse, ce qui supposerait connue la vraie, mais qu’ils n’en donnent pas du tout, ou n’en donnent une qu’en se contredisant. Or, si l’on peut dire que le postulat de toute morale est : « Je crois en une métaphysique ; » inversement, le postulat de toute métaphysique doit être : « Je crois en une morale. » Sans cela, l’on retombe dans l’erreur des philosophes qui nient l’éthique et l’esthétique, parce qu’ils ne parviennent pas à les fonder.

Nous pourrions nous contenter, pour écarter les prétentions de M. de Hartmann aux avantages de la méthode inductive, d’avoir montré, d’une part le démenti que sa conduite donne à ses préceptes, de l’autre l’impossibilité théorique de fonder une morale solide sur la simple observation des faits. Mais, pour qu’il ne puisse subsister aucun doute sur ce point capital, nous allons étudier avec l’aide de notre auteur deux systèmes qui se sont, eux, véritablement conformés aux prescriptions qu’il ne fait qu’énoncer. Ces systèmes sont tout à fait inexpugnables sur le terrain où s’est placé Hartmann ; si donc, comme nous le pensons, il a le droit de les rejeter, c’est qu’il admet implicitement, dès le début, certains postulats que des scrupules exagérés l’empêchent seuls d’énoncer franchement.

V

La réfutation de la pseudo-morale.


Épicure et Schopenhauer trouvent tous les deux dans l’âme humaine certains ressorts naturels qui la font agir, et ils appellent bons les actes qui en procèdent ; la seule différence, et elle est essentielle,