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LA MORALE DU PESSIMISME



LE NOUVEAU LIVRE DE HARTMANN[1]

(2e ARTICLE)


IV

La méthode.

Jusqu’à quel point M. de Hartmann, dans son système d’éthique, dont il nous présente aujourd’hui la première partie, a-t-il le droit de se prévaloir des bénéfices de la méthode inductive ? L’analyse précédente renferme la réponse à cette question. Notre philosophe croit que les conclusions de sa métaphysique trouvent une éclatante confirmation dans l’évolution de la conscience morale ; mais que faut-il entendre au juste par cette évolution ? Est-ce celle qui s’accomplit naturellement dans chaque individu sous l’influence de l’hérédité, de l’éducation et de l’expérience, ou celle dont l’humanité est le sujet et l’histoire du monde le théâtre ? Ni l’une ni l’autre, répond M. de Hartmann. Qu’est-elle donc ? Il est muet là-dessus ; mais on suppléera facilement à son silence. Par évolution de la conscience morale, il entend, au fond, une évolution qui n’est ni individuelle, ni historique, ni réelle en aucune façon, mais une évolution prétendue logique, plus ou moins vraisemblable, et dont la marche, on l’a deviné, est réglée précisément par le but préconçu auquel il s’agit d’atteindre. Ainsi il est bien vrai qu’à peu près tous les principes de morale soutenus dans l’histoire de la philosophie trouvent leur place dans cette Phénoménologie de la conscience ; bien plus, M. de Hartmann y a fait entrer bon nombre de simples maximes que leurs défenseurs les plus ardents n’ont jamais songé à ériger en principes ; m.ais l’ordre, la hiérarchie assignée à tous ces principes divers est une œuvre, ne disons pas arbitraire, mais qui n’a point sa raison d’être et sa justification dans l’expérience.

Or cette hiérarchie est l’objet principal du moraliste. Un psy-

  1. Voir le numéro précédent de la Revue philosophique.