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straszewski.herbart, sa vie et sa philosophie

savoir pratique est en même temps un ensemble d’idées capables de se fondre en un tout systématique. Telle est la conviction du moraliste quant à la nature de son savoir pratique et à celle de certains rapports de volonté.

Cette comparaison a mené Herbart à la séparation radicale de la philosophie pratique et de la philosophie théorique ; les principes de la première étant évidents par eux-mêmes et n’ayant nullement besoin, comme tels, de l’appui de la seconde.

Voilà comment la théorie de l’harmonie est venue deux fois en aide à Herbart : dans sa psychologie, comme vérification empirique de ses spéculations mathématico-psychologiques ; dans sa philosophie pratique, en s’offrant par son caractère, sa valeur indépendante de toute théorie, ainsi que par sa clarté frappante, comme « une comparaison utile ».

C’est de cette manière que l’influence de la musique nous explique la genèse, le développement et l’affermissement de deux côtés originaux de son système. — Hâtons-nous cependant d’ajouter que l’originalité de Herbart et les services rendus par lui à la spéculation allemande ne se bornent pas à la psychologie et à la philosophie morale. Nous croyons avoir mentionné déjà, dans notre introduction, que c’est par l’idée fondamentale de son système, et surtout par sa méthode, qu’il diffère essentiellement de l’idéalisme transcendant de son époque. Si nous réfléchissons encore que Herbart a été un disciple de Fichte et qu’il est arrivé à Iéna au moment même où son maître atteignait l’apogée de la gloire, cette attitude distincte ne nous paraîtra-t-elle pas surprenante ? Ce qui est digne aussi d’attention, c’est qu’il ait fallu si peu de temps pour que le plan de sa philosophie théorique et morale mûrit dans sa tête, car nous le trouvons tout fait déjà dans ses premières publications. — Quelle différence entre les œuvres juvéniles d’un Schelling, d’un Fichte, de Kant même et celles qu’ils écrivirent plus tard ! Chez Herbart, rien de pareil ; pas de traces d’hésitations. Il rompt avec l’idéalisme transcendant du premier coup, ainsi que nous le prouvent les thèses écrites et défendues par lui à Gœttingue en 1802 dans le but d’obtenir le grade de docteur en philosophie et la veniam legendi. — Par quelle voie est-il donc parvenu à ses théories nouvelles ? Son système aurait-il jailli par hasard de sa tête comme Minerve de celle de Jupiter ? On ne saurait l’admettre. Il faut que les pensées prématurées du jeune homme aient mûri successivement ; il faut qu’il se soit élevé dans son âme des doutes importants, quoique cachés ; car il est impossible qu’il ait pu se soustraire sans quelque forte secousse intérieure à l’influence d’un philosophe qui