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liberté[1]. Il n’est pas difficile de se convaincre aussi que ce continu des rapports de volonté a été construit d’après la même règle que le sont les rapports des sons. Ici, de même que là, le continu est logique et sans interruption quelconque, ce qui veut dire que jamais un troisième rapport ne pourrait se glisser entre deux consécutifs. Ce parallélisme a bien ses côtés faibles, ainsi que le démontre Zimmerraann dans sa dissertation[2]. Nous y renvoyons le lecteur, ne voulant pas nous engager nous-mêmes dans une analyse, et nous insisterons seulement sur ce fait incontestable que la philosophie pratique de Herbart doit beaucoup à la théorie de l’harmonie ; le caractère même de l’art et de sa théorie lui a laissé une empreinte profonde ; il a servi à Herbart non-seulement de modèle, mais aussi « de comparaison utile » pour sa philosophie morale. La vérité musicale n’a pas besoin d’être constatée par des théories psychologiques ; de même, la différence fondamentale entre ce qui est digne de louange et ce qui est blâmable n’a pas besoin d’aucune vérification théorique. La musique et la théorie de cet art reposent sur des intervalles de sons qui sont évidents pour l’ouïe, sans aucune démonstration psychologique ; la philosophie pratique est basée sur certains rapports primitifs de volonté, évidents aussi sans l’aide d’une théorie quelconque, soit psychologique, soit métaphysique. « Un musicien habile et possédant une instruction pratique, non moins qu’un véritable connaisseur en fait de musique, observe Herbart, n’admettront jamais qu’une étude, même la plus subtile, des moyens à l’aide desquels notre âme crée les diverses harmonies des sons, puisse enfreindre en quoi que ce soit ses convictions relatives à ce qui est harmonieux ou à ce qui ne l’est pas. De même aussi, la différence entre l’honneur et l’opprobre, le droit et l’injustice, la vertu et le vice, sera toujours la même pour toute opinion morale vraiment formée, et personne ne songera qu’elle puisse être douteuse, tant que la psychologie ou la métaphysique ne l’aura éclaircie[3]. Ni la philosophie morale, ni la musique ne peuvent démontrer la vérité de leurs fondements ; mais aussi ni l’une ni l’autre n’a besoin de s’en soucier, car l’évidence de leurs bases est incontestable, et ce n’est pas à ces deux sciences qu’il appartient de s’en occuper.

Aussi solides que le sont les convictions musicales sur la nature discordante ou harmonieuse des sons, aussi solide est le savoir pratique, grâce à son caractère exact, absolu. Fort, sans preuve, le

  1. Einfl. der Tonlehre, p. 39.
  2. Einfl. der Tonlehre, p. 33, 40.
  3. Einfl der Tonlehre, p. 43.