Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/529

Cette page n’a pas encore été corrigée
523
straszewski.herbart, sa vie et sa philosophie

taire ; il nous inspire du mécontentement, lequel s’exprime par l’idée d’une action sans récompense, tant qu’une harmonie complète n’est pas atteinte ; mais, une fois le conflit écarté, il satisfait entièrement notre sens moral et correspond alors à l’idée du droit et de la justice. Telle est en résumé la théorie de Herbart sur les idées pratiques dont il a déduit toute sa philosophie morale[1]. Nous venons d’apprendre que les rapports de volonté, ainsi que les idées pratiques qui leur correspondent, forment un continu limité, dans les bornes duquel l’antagonisme augmente successivement. L’opposition de nature est moins prononcée entre deux actes réels de la même personne ; elle est déjà plus forte entre l’acte de volonté véritable et l’acte conçu du même être, car ici deux manifestations hétérogènes de l’âme se rencontrent simultanément : la pensée et l’action. La différence est encore plus grande entre un de nos actes véritables et un acte d’une seconde personne pensé par nous ; elle est toutefois plus faible que l’antagonisme entre deux actes réels de deux personnes différentes, car un acte de volonté d’autrui conçu par nous est toujours encore notre pensée. La désharmonie suprême ne résulte donc que du contact imprévu de deux véritables actes de volonté chez des êtres différents ; c’est un conflit qui ne se transforme en harmonie que dans des actes réels de volonté de différentes personnes prévus et réconciliés avec intention par elles.

Il suffit de jeter un coup d’œil sur l’arrangement de ce continu de rapports de volonté, pour être convaincu aussitôt que c’est encore la théorie des sons qui a servi de modèle à la construction de cette progression éthique.

Zimmermann développe, avec une profonde subtilité, le parallélisme introduit par Herbart entre les sons d’une part, et les idées pratiques de l’autre. Il y a, dit-il, dans la progression des rapports de volonté des parallèles pour tous les intervalles de musique, excepté pour celui de la quarte et de la tierce mineure. L’octave, par exemple, correspond à l’idée de perfection, la tierce majeure à celle de liberté intérieure, la quinte harmonieuse à l’idée de compassion et la quinte fausse à l’idée opposée, c’est-à-dire à celle de l’aversion. Les deux secondes, la majeure et la mineure (ainsi que la septième), forment une parallèle aux rapports de lutte et d’action non récompensée, et par conséquent aux idées de droit et de justice qui en dérivent. Quant à l’octave discordante et la tierce mineure, on pourrait les considérer, avec Herbart, comme des parallèles aux idées d’imperfection morale et de manque de

  1. Einfl. der Tonlehre, p. 41.