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straszewski.herbart, sa vie et sa philosophie

La philosophie pratique séparée radicalement de la philosophie théorétique, voilà un des traits distinctifs du système de Herbart.

On demandera, après ce qui vient d’être dit, de quelle manière Herbart est-il arrivé à sa psychologie mathématique et à sa théorie des idées esthético-éthiques ?

Aucune pensée, même celle des plus grands génies, ne naît d’elle-même ; des traces plus ou moins visibles nous indiquent toujours le chemin qu’un penseur a parcouru pour arriver à une théorie nouvelle et nous dévoilent les motifs psychologiques qui l’ont poussé vers cette voie inconnue. Ainsi, les idées de Herbart, tout originales qu’elles soient, doivent avoir également quelque source psychologique, et il est bien naturel que cette question importante ait offert un intérêt tout particulier à un connaisseur aussi remarquable de la philosophie herbartienne que l’est Zimmermann. Il nous a démontré dans sa dissertation « Ueber den Enifluss der Tonlehre auf Herbart's Philosophie », publiée en 1873, que la musique, et spécialement la théorie de cet art ont été les agents qui ont contribué le plus au développement et à l’affermissement des principes fondamentaux de la psychologie mathématique et de la théorie esthético-éthique dans l’esprit de Herbart. L’influence de la musique, à une époque où elle venait d’atteindre l’apogée de son développement dans les œuvres immortelles de Beethoven, sur un système contemporain des plus originaux, est, à notre avis, un fait tellement intéressant et que Zimmermann a exposé avec tant de talent, qu’il mérite d’être étudié de plus près.

Zimmermann commence son Essai par nous faire remarquer que l’influence de la musique sur des systèmes philosophiques se répète plusieurs fois dans l’histoire. Il existe en effet une affinité frappante entre la philosophie de la nature chez les Chinois et leur musique, et il serait impossible de nier l’influence de cet art sur le système de Pythagore ou même sur celui de Platon. Cette influence se manifeste de nouveau au xixe siècle dans l’éthique et dans la psychologie de Herbart, qui était non-seulement un virtuose habile et un connaisseur profond de la théorie musicale, mais qui s’est même essayé dans la composition, ainsi que nous le prouve une sonate dédiée à ses amis Gries et Fr. Köppen, publiée en 1806.

La psychologie de Herbart se distingue par deux traits caractéristiques : premièrement, elle rejette l’hypothèse des facultés de l’âme, par là elle se rallie à l’école des psychologues anglais ainsi qu’au système de Beneke ; secondement, elle tente à l’aide d’une méthode entièrement nouvelle d’appliquer la mathématique à ses propres recherches. Herbart a commencé par considérer les élé-