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de 1755, et la « Nova monadologia », de 1756, qui ne rappellent les allures mathématiques que Knutzen affectionnait dans ses ouvrages.

Kant nous apparaît dans ces premiers essais le disciple très-décidé de Knutzen en philosophie. Comme lui, il est wolfien, mais wolfien indépendant sur la question de l’harmonie préétablie. Kant insiste, à de fréquentes reprises, sur la théorie de l’influx physique, pour la défendre contre les objections qu’elle soulevait encore. À l’exemple de Knutzen, il revient à la véritable doctrine de Leibniz, aux profondes conceptions de la monadologie. Nous nous sommes étendus autrefois sur cette opposition de Kant au wolfisme dans notre livre sur Kant et Leibniz : nous ignorions alors le rôle de Knutzen.

Ce n’est pas seulement à l’école de Newton et de Leibniz que Kant fut ainsi conduit de bonne heure. Il doit à son maître la connaissance et le goût de la philosophie anglaise, qui commençait seulement à se répandre en Allemagne. Knutzen le mit sans doute en relation avec son collègue Rappolt, qui enseignait la langue et la littérature anglaises. Le Catalogue de l’Université mentionne en ces termes l’objet du cours que faisait Rappolt : « Schola Anglicana linguæ hujus culturam cum philosophia copulabit. » En 1741, Rappolt expliquait les Essays on man de Pope ; l’année suivante, il commentait les pensées du poète anglais sur Dieu et sur l’homme. Le souvenir de cet enseignement était resté vivace dans l’esprit de Kant, qui se plaisait plus tard, dans l’Histoire du ciel par exemple, à multiplier les citations de Pope et d’Addison.

Knutzen appela et sut fixer pour longtemps l’attention de son élève sur les œuvres de l’empirisme anglais. Les réflexions critiques que nous avons extraites plus haut de sa Logique ouvrirent sans doute la voie au génie de Kant ; celui-ci n’eut qu’à reprendre et à développer les enseignements de son maître sur la part de l’expérience dans la formation de la connaissance, pour sentir bientôt l’insuffisance du rationalisme wolfien. Il n’est pas moins naturel de croire que la dissertation De æternitate mundi impossibili éveilla de bonne heure la réflexion de Kant sur la signification et la valeur du concept de l’infini ; la thèse de 1770, qui annonce la Critique, et la doctrine de la 1re antinomie de la raison pure devaient être les fruits des longues méditations de notre philosophe sur ce difficile sujet. Enfin nous pouvons conjecturer avec Jürgen Bona Meyer que le traité de Knutzen sur l’immatérialité de l’âme était présent à la pensée de Kant, non moins que les écrits du même genre, le Phédon de Mendelsshon, et les Principales vérités de la religion naturelle de Reimarus, lorsqu’il composait la Théorie des paralogismes de la la psychologie rationnelle.