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nolen.les maîtres de kant

l’accord de ses convictions scientifiques et de sa foi religieuse, mais dont la curiosité philosophique est loin d’être limitée aux problèmes qui intéressent la vie morale. Il se dépense volontiers aux recherches purement théoriques ; et les subtilités de la métaphysique et de la logique, de même que les abstractions des mathématiciens, sollicitent et captivent son attention. Nous retrouvons le même caractère chez Kant : le génie pratique et moral ne fait nullement tort chez lui à la curiosité du savant et du métaphysicien. Si le premier trait le rapproche davantage de Schultz, il se montre par le second tout à fait semblable à Knutzen. Cette double disposition, qu’il tenait tout d’abord de sa nature, les leçons et les exemples de ces deux premiers maîtres la fortifièrent, la développèrent en lui, à l’âge où les effets de l’éducation se font le plus profondément sentir. Par une faveur inespérée de la fortune, il trouvait réconciliées en eux ces dispositions habituellement exclusives et ennemies l’une de l’autre, la foi pratique et la recherche spéculative, que l’incomparable originalité de son génie et de sa philosophie devait être d’unir définitivement.

Mais l’action de Knutzen sur Kant veut être étudiée de plus près et dans le détail : ce n’est pas seulement l’esprit général, ce sont les études et les œuvres mêmes de Kant, qui témoignent en faveur de cette influence.

Le goût des mathématiques et de la physique, que Kant devait à Knutzen et sans doute aussi à Teske, un collègue de ce dernier et, comme lui, un ami de Schultz, s’accuse dès le traité sur « la véritable mesure de forces vives », que Kant publia l’année même où il terminait ses études à l’Université. La question sur laquelle roule l’ouvrage devait avoir été discutée dans les leçons de Knutzen : elle intéressait directement la théorie de l’influx physique. L’analyse des lois du choc, pour les corps élastiques et non élastiques, est évidemment inspirée par Knutzen. C’est à ce dernier enfin qu’il est fait allusion dans le passage suivant : « Il n’a manqué à un pénétrant écrivain, pour triompher complètement de l’harmonie préétablie par sa théorie de l’influx physique, que d’avoir évité la petite confusion dont notre remarque permet de se tirer aisément[1]. »

« L’histoire naturelle du ciel » de 1755, consacrée tout entière à la glorification des principes de Newton, suffit à montrer combien l’élève avait hérité du culte du maître pour le physicien anglais. Il n’est pas jusqu’à la forme extérieure des thèses de doctorat, « Principiorum primorum cognitionis metaphysicæ nova dilucidatio »,

  1. B. Erdmann, Martin Knulzen, 113.