Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/506

Cette page n’a pas encore été corrigée
500
revue philosophique

Knutzen, à n’en juger que par sa Logique. Il est probable que son collègue Rappolt, qui enseignait la langue et la littérature anglaises, avait contribué à diriger et à seconder dans cette voie sa curiosité.

Nous aurions encore à mentionner les travaux de mathématiques et de physique que notre philosophe insérait dans les revues du temps, et en particulier un écrit sur les comètes, qui parut en 1744. Mais ces travaux sont, pour la plupart, sans importance et sans originalité scientifique. Le dernier en particulier renferme d’assez graves erreurs. Il nous intéresse pourtant, parce qu’il porte à chaque page le témoignage de la prédilection de Knutzen pour Newton.

On peut juger par ce qui précède de l’activité d’esprit, de l’originalité de Knutzen, de tout ce qu’il aurait pu produire, si une mort prématurée ne l’avait surpris, à 38 ans, au milieu de ses travaux et de ses projets d’étude. Kant devait ressentir plus vivement que tout autre l’étendue d’une pareille perte. Bien qu’il eût quitté l’Université depuis 1747, l’éloignement n’avait pas sans doute interrompu ses rapports avec son maître préféré. Malheureusement, les trop insuffisantes indications de Borowski sur les relations de Knutzen et de Kant ne méritent pas une entière confiance ; elles ne figurent pas dans la partie de la biographie que Kant avait revue lui-même.

Nous en savons assez toutefois pour affirmer la durée et l’intimité du commerce que Kant eut avec son maître pendant les sept années de son séjour à l’Université. Knutzen « trouvait dans son élève, des dispositions remarquables et avait avec lui des entretiens particuliers, où il enflammait son ardeur ; plus tard, il lui prêta les Œuvres de Newton et mit à sa disposition tous les trésors de sa riche bibliothèque. »

C’est lui qui décida la vocation de Kant pour les sciences et la philosophie : les préférences déclarées et les succès de l’élève du collège de Frédéric semblaient le destiner d’abord aux études philologiques. L’exemple de Knutzen ne dut pas non plus être étranger à la résolution que prit Kant de se vouer à l’enseignement. Il apprenait par son maître qu’une haute culture morale et religieuse peut s’associer très-bien à toutes les curiosités, à toutes les libertés de la recherche scientifique et philosophique. Martin Knutzen réalisait plus complètement encore que Schultz l’accord du piétisme et de la philosophie. Nous avons vu, en effet, que, chez le premier, le directeur des consciences, l’homme pratique l’emportaient sur le penseur, sur le wolfien. La philosophie n’était pour Schultz que la servante, l’auxiliaire de la théologie et de la religion. Knutzen aime et cultive la philosophie et la science pour elles-mêmes. C’est un esprit spéculatif, qui se plaît sans doute à constater, à proclamer