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de la constance des forces. Cette loi, selon Knutzen, ne régit que les relations mécaniques des corps et ne s’étend pas aux esprits, que leur liberté ne permet pas d’assujettir à la loi de l’inertie. On peut d’ailleurs appliquer la loi de la constance aux forces initiales des monades, si l’on se borne à lui faire exprimer cette vérité, sur laquelle repose la monadologie de Leibniz, que les énergies primitives et substantielles sont indestructibles et immuables dans la nature, comme les monades elles-mêmes. Qu’on ne dise pas avec Bilfinger que, d’après le système de l’influx physique, l’effet serait plus grand que la cause, l’action d’un corps sur les organes des sens provoquant non-seulement une réaction, égale à l’action, dans l’organisme, mais en plus une représentation dans l’âme. Puisque toutes les monades sont douées de perception, et que l’énergie motrice est toujours associée ou plutôt subordonnée chez elles à l’énergie représentative, le mouvement, loin d’exclure la pensée, la suppose toujours. L’action du corps se traduit dans l’âme par des représentations, dans le corps par des mouvements. Mais, au fond, mouvement et pensée ne sont que les divers aspects d’une même force.

Il n’est pas malaisé de démêler dans la doctrine du Systema causarum bien des traits du monisme dynamique d’aujourd’hui. Sans doute Knutzen ne fait que développer certains germes de la monadologie ; mais il a le mérite de dégager la véritable pensée du maître des obscurités et des contradictions qui l’enveloppent.

Le succès de la démonstration fut décisif. Désormais les disciples de Wolf, Baumgarten et Meier, le premier dans sa Metaphysica, le second dans sa Démonstration de l’harmonie préétablie (1743), qui n’est qu’une paraphrase de Baumgarten, ne développent, sous l’autorité de Leibniz et sous le nom traditionnel d’harmonie préétablie, que la doctrine défendue par Knutzen.

Au Systema causarum, qui fit ainsi révolution dans la métaphysique du temps, était jointe, dans l’édition de 1745, un essai publié déjà en 1741, sous le titre de « Commentatio philosophica de humanæ mentis individua natura sive immaterialitate ». Ce second travail ne répondait pas, comme le précédent, aux préoccupations philosophiques des esprits. Du temps de Wolf, le matérialisme ne comptait guère de représentants en Allemagne. Aussi c’est surtout au matérialisme de l’antiquité ou à celui du xviie siècle que s’adresse la polémique de Knutzen. Elle n’en a pas moins son prix. La première partie de l’ouvrage est dogmatique. Knutzen y développe, avec une rare vigueur, le vieil et toujours solide argument qui se tire de l’unité du principe conscient. Il a encore le mérite de renoncer