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nolen.les maîtres de kant

Reusch, et que Knutzen, le plus remarquable d’entre eux, finira par faire triompher par son Systema causarum efficientium.

Knutzen avoue lui-même qu’il a commencé par être un partisan déclaré de l’harmonie préétablie. Mais il faut remarquer qu’il n’avait pas tardé à rejeter l’interprétation étroite de Wolf, et qu’il était revenu, comme Bilfinger, au véritable sens de la métaphysique leibnizienne. Selon lui, les monades, identiques par essence, ne diffèrent que par le degré ; elles sont toutes douées de perception et représentent le même infini, mais à des points de vue différents. Il n’y a pas d’opposition entre les monades qui constituent le corps et la monade supérieure, ou l’âme. L’harmonie préétablie doit non pas expliquer le commerce de substances différentes, mais former le lien nécessaire de substances identiques.

Knutzen ne se contente pas de corriger Wolf par Leibniz. Ses connaissances scientifiques, l’étude approfondie qu’il avait faite des mathématiques et de la physique newtonienne, et sans doute aussi la polémique des adversaires de Wolf, lui font préférer à l’harmonie préétablie la doctrine, trop facilement et trop longtemps sacrifiée, de l’influx physique.

L’enthousiasme de la découverte se communique à son langage et élève le ton de la discussion : « Sic ergo alla jam mihi apparebat philosophiee faciès. Harmoniam enim in universo observabam magis harmonicam ; nexum causarum efficientium ac effectuum non apparentem amplius deprehendebam, sed realem ; mundum denique dignissimum sapientia divina, physicus mihi sistebat influxus : verbo, tanta meditationum dulcedine ex deprehensa influxus physici veritate capiebar, ac si ex mundis possibilibus in actualem dilatus essem[1]. »

Knutzen montre que l’action directe et réciproque des substances ne paraît si difficile à admettre que parce qu’on imagine à tort une opposition radicale entre le corps et l’esprit. La monadologie de Leibniz, bien comprise, supprime cette difficulté. Mais il ne suffit pas de prouver que l’influx physique est possible, il en faut encore constater la réalité. L’analyse de la notion de force nous découvre sans peine que la propriété de changer de lieu, et par suite de déplacer d’autres forces, est synonyme de la faculté d’agir sur elles. L’impénétrabilité, qui caractérise les substances, n’exprime pas autre chose d’ailleurs que la résistance qu’elles s’opposent mutuellement, et par suite leur action réciproque. C’est en vain qu’on objecte contre ces conclusions que l’influx physique contredit la loi physique

  1. Martin Knutzen, 92, 93.