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Cherchera-t-on une issue en dehors du phénoménisme ? dira-t-on qu’en même temps que les phénomènes nous affirmons l’existence d’un être en soi, d’une substance, qui est la matière ? Mais : 1° la matière étant ce qui tombe sous les sens, comment serait-il possible d’y voir un être en soi ? 2° pour distinguer du phénomène l’être en soi, il faut sortir de l’expérience : l’être en soi, s’il existe, ne peut être l’objet que d’une faculté métaphysique qui, par cela seul qu’elle l’affirmera, infirmera le principe même de la philosophie expérimentale. Cette seconde objection, d’ailleurs, s’applique également à M. Lefèvre et à ceux des positivistes qui du phénomène, objet de connaissance, distinguent un être en soi, inconnaissable. Car cette conception de l’être en soi, du moment qu’on l’admet, et quand même on n’y verrait qu’une croyance, est, en tout cas, un fait mental, d’un caractère visiblement métaphysique, et dont la seule constatation devrait suffire à prouver que l’empirisme n’explique pas tout.

Il faut donc décidément renoncer à cet être en soi qui, d’aucune façon, ne peut se concilier avec la philosophie purement expérimentale, et il n’est d’autre parti à prendre que de se borner aux seuls phénomènes, ce qui nous fait retomber dans notre point de départ.

Toutes ces critiques, répétons-le en terminant, ne nous empêchent pas de rendre hommage au talent vif et brillant de l’auteur. Ce n’est pas un mince mérite, après tout, d’avoir su condenser sans obscurité et combiner avec aisance un aussi grand nombre de faits et d’idées. Ces vastes synthèses, quelle que soit la doctrine qu’elles expriment, font, en définitive, honneur à la pensée, qui en est la source ; elles lui rendent pratiquement témoignage, alors qu’elles la méconnaissent théoriquement, et, ne fût-ce qu’à ce titre, elles méritent les éloges de ceux même qui en rejettent les conclusions.

H. Dereux.

Fr. Harms. — Die Formen der Ethik. Les formes de l’éthique. G. Vogt, Berlin. 1878.

Cette publication, extraite des Mémoires de l’Académie des sciences de Berlin, peut être considérée comme le complément du livre de M. Harms : La Philosophie depuis Kant (Die Philosophie seit Kant), dont il a été rendu compte dans cette Revue (mai 1877). La pensée fondamentale de ce livre, nous croyons devoir le rappeler, est celle-ci : fonder et développer la conception morale et historique de l’univers est l’essence de la philosophie allemande depuis Kant. L’éthicisme est lé caractère général qui domine toute son histoire. Aux yeux de M. Harms, la métaphysique, dont Kant a démontré l’impossibilité ou l’impuissance à résoudre ses problèmes, n’est qu’un moyen pour atteindre le but moral. Disciple à la fois de Kant, de Fichte et de