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Elle ne doit oublier « aucune source ni aucun genre de plaisir et de douleur ». — À l’origine, les hommes luttent les uns contre les autres pour s’approprier ce qu’ils convoitent. Mais déjà du combat naissent les premiers contrats, bientôt solennisés par des chants, des cérémonies. À l’origine, la force les rompait souvent. Aussi, tout le travail de l’esprit a eu pour but de faire passer dans l’idée abstraite du lien la force qui résidait dans les deux parties contractantes. — Il va sans dire que le concept de la justice absolue n’a rien à faire ici. En vain allègue-t-on que la raison postule la nécessité d’une vie future. Il n’y a pas de vie future : la chose est certaine. Mais où est la sanction de la loi morale ? Il y en a deux : l’une sociale, la pénalité ; l’autre individuelle, le remords et, à défaut du remords, la terreur.

Les sentiments affectifs servent d’auxiliaires à la morale rationnelle : c’est ainsi qu’à l’égalité, expression de la justice, ils ajoutent la fraternité, transposition de l’amour. Mais la justice, et non l’amour, n’en est pas moins, le christianisme l’a méconnu, le principe directeur. Ajoutons que l’amour proprement dit a son objet situé dans l’écorce grise : c’est l’idée. L’amour de l’idée est « le plus étonnant triomphe du sentiment affectif ».

La législation et la pénalité. — La morale et l’éducation. — De ces deux chapitres encore, nous dirons très-peu de chose, les idées libérales que l’auteur exprime sur la séparation de l’Église et de l’État, sur le divorce, sur la peine de mort, etc., étant suffisamment connues. En ce qui touche l’éducation, il veut que l’État écarte de ses écoles la théologie et substitue à la récitation de catéchismes incompris des traités de morale en action, des notions sommaires de droit civil et civique, des dictées expliquées et relues sur le besoin, l’intérêt, le droit, le dévouement. Mais la religion, mais la métaphysique, que deviendront-elles ? Ce qu’elles pourront. Elles iront prendre place dans le muséum du passé, dernier asile des dieux et des entités, où sont rangés les démiurges, les virtualités, les houris, et où a : les Euménides et les Destinées regardent, un doigt sur les lèvres, les postulats désappointés. »

Le dernier mot de M. Lefèvre est une parole d’espoir. Il sait que le progrès s’accomplit lentement, avec des reculs douloureux, dans un cercle fermé d’avance par la mort de l’individu et par la fin de la race, de l’espèce, du monde animal, de la terre et du soleil. Mais il sait aussi que le propre de l’organisme vivant, c’est l’action ; que le résultat, le mobile et l’instrument de l’action, c’est la science. Agir pour savoir, savoir pour agir,. telle est la loi de la vie humaine.


Ainsi conclut la philosophie de M. Lefèvre. — Maintenant, que vaut en elle-même cette philosophie ? quelle est la force de ses arguments ? Ce n’est pas le lieu de l’examiner à fond ni de relever une à une toutes les affirmations arbitraires et peu scientifiques que M. Lefèvre produit hardiment au nom de la science, qui n’en peut mais.