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excessive au syllogisme, se fonde sur l’expérience et sur l’induction ; mais il les sous-entend, car il admet comme principe démontré par l’expérience qu’il n’existe que des corps et leurs accidents, et de ce principe indiscutable il déduit une logique originale, une psychologie, une morale et enfin une politique. La conclusion de cette politique (apologie du despotisme), qui « fait pâmer d’aise les libéraux de la métaphysique », n’est pas la conséquence des doctrines de Hobbes, mais des circonstances historiques où il a vécu, n’ayant connu de la liberté que sa forme anarchique. — De même, l’absolutisme démocratique d’un Spinoza n’est nullement un corollaire de ses principes, qui sont excellents (avant la société, le droit est identique à la puissance, et il n’existe ni juste ni injuste, etc.). Mais, en métaphysique, les idées de Spinoza s’enchaînent dans le vide. Sa grandeur a été de chercher, à faire rentrer l’homme dans le plan général de l’univers ; mais il a appliqué à la réalité les cadres arbitraires de la logique : c’est là sa faiblesse. — Passons Malebranche, qui « ne vaut que par un atome de spinozisme dilué dans le pathos chrétien ; négligeons également Leibnitz, qui se trouve rangé parmi les dualistes et qui a vu dans cette tautologie : Ce qui est devait être, des profondeurs immenses. » Ces chimères, ajoute-t-on, font petite figure auprès des idées claires d’un Gassendi ou d’un Locke. — Locke est l’un des émancipateurs de la pensée. M. Lefèvre loue vivement le caractère expérimental de sa philosophie, sa sagesse pratique et ses vertus. Ce qu’il lui "reproche surtout (d’autres au contraire y voient de nouvelles marques de sagesse), c’est : 1° d’avoir laissé la porte ouverte à l’inconnaissable ; 2° d’avoir concentré la philosophie dans la psychologie, l’attardant ainsi en des préliminaires de douteuse efficacité. — De Berkeley, comme on s’y attend, l’auteur ne dit guère de bien; il déclare que sa dialectique n’a rien de sérieux. Tout autre est la portée du scepticisme sensualiste de David Hume. Qu’importe qu’il réduise tout notre savoir aux apparences ? Si l’apparence donne à la pensée et à l’action une base assurée, elle équivaut à la réalité. Aussi le bon Th. Raid a-t-il perdu son temps à combattre le scepticisme de D. Hume. H s’est au surplus mépris, comme l’a montré Brown, sur les idées représentatives de Locke et de D. Hume, où il voit des entités analogues à ces membranes subtiles de Lucrèce, qui voltigent entre les corps et nos sens.

Sur le xviiie siècle français auquel est attribuée, comme de juste, une place d’honneur, nous ne voyons rien de bien saillant à relever, sauf un éloge enthousiaste de Diderot, qui a esquissé tout le système du transformisme avant Lamarck, et une sévère critique de Rousseau, chef de l’école du sentiment, promoteur de la réaction métaphysique et religieuse.

L’idéalisme allemand n’est pas mieux traité, « Les cercles vicieux » de Kant, dont la critique spéculative est loin, nous assure-t-on, d’avoir égalé en influence le naturalisme hardi d’un Diderot, le pathos d’un Fichte, les extravagances d’un Schelling, l’hallucination gigantesque