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analyses. — andré lefèvre. La Philosophie.

férait guère alors du singe. Déjà sans doute il classait, suivant qu’ils étaient bons à manger, faciles à tuer, etc., les êtres sur lesquels ses griffes ou ses dents avaient prise ; quant aux autres, étonné de leur présence, il les signalait par des cris divers, jappant devant l’arbre lisse, hurlant à la lune, etc. Ainsi commencèrent le langage et la pensée. Aucun raisonnement suivi ne liait encore les idées que se formait l’homme. Dès lors toutefois, en ses courts instants de loisir, il sentait, devant le tableau confus des choses, s’ébaucher en lui, il ne savait où, deux certitudes invincibles, inséparables, celle de son existence, celle de l’existence d’êtres extérieurs à lui (le moi et le non-moi). Mais, dans ce monde extérieur, il distinguait mal l’animé de l’inanimé. De plus, il était disposé à faire de son existence le type de toutes les autres. Enfin le langage, avec ses termes équivoques, contribuait à l’égarer : le mot couper, par exemple, ayant un sens actif lorsqu’on dit : « Je coupe ce fruit, » il transportait par analogie ce sens actif dans une phrase telle que celle-ci : « Cette glace me coupe les pieds. » — De ces différentes causes résulta l’anthropomorphisme, qui est la source commune du fétichisme, du polythéisme et finalement du panthéisme, degrés successifs par lesquels passa la pensée humaine avant d’aboutir à notre âge scientifique où le nom de Dieu ne répond plus à rien. — Une erreur autre que l’erreur religieuse, mais qui lui est liée, la dualité de la nature humaine, semble avoir été inventée dès la période quaternaire. Les fantômes du sommeil ou de l’hallucination retraçant l’image des morts, l’homme crut naïvement à la survivance de quelque chose, d’un résidu immortel.

Toute doctrine anthropomorphique est dominée par l’idée de cause. Au fond, le principe de causalité, dont M. Lefèvre donne cette formule peu exacte : « Point d’effet sans cause, » est, selon lui, un axiome tout verbal, d’observation toute superficielle. Mais l’anthropomorphisme a dénaturé l’idée de cause en y attachant celle de volonté, de finalité. Or la science a établi, M. Lefèvre l’affirme du moins, que les faits de la nature ne sont pas des actions, et que leurs causes n’ont aucun rapport avec la volonté consciente. — Ainsi donc, avant l’apparition de la philosophie proprement dite et des conceptions générales du monde et de l’homme, les idées de causalité et de finalité intentionnelles avaient pris possession de l’esprit humain.

L’auteur, après ces considérations générales, aborde l’examen détaillé, où nous ne pouvons le suivre, des doctrines religieuses ou philosophiques qui ont régné dans les temps primitifs en Égypte, en Chaldée, en Judée, dans l’Inde, dans la Grèce de l’âge homérique. En Égypte, M. Lefèvre ne croit pas, contrairement à M. Maspéro, que l’unité divine ait été le point de départ de la philosophie. Il estime d’ailleurs que le Rituel funéraire égyptien contient déjà toutes les psychologies et toutes les théodicées. Sans notable préjudice, on pourrait, dit-il, arrêter ici l’histoire des philosophies idéalistes, rationalistes, panthéistes et tutte quante. Dans l’Inde, les Védas lui paraissent révéler