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accepte, ne me paraissent pas inattaquables. Je me bornerai à exposer brièvement ici quelques remarques.

D’après M. Liard, la science et la métaphysique sont choses entièrement distinctes et n’ont rien à s’emprunter l’une à l’autre. « La science et la métaphysique n’ont ni le même objet, ni les mêmes procédés, ni le même but, ni le même rôle. » Cependant M. Liard admet que l’expérience morale peut fournir à la métaphysique un point de départ et un contrôle analogues à ceux que fournit à la raison spéculative l’expérience sensible. Ainsi le savoir de l’homme se trouverait divisé en deux parties, d’un côté la science positive s’appuyant sur les données de l’expérience sensible, formulant des lois, proposant des hypothèses, arrivant à des conceptions confirmées par l’expérience sensible ; de l’autre côté la métaphysique partant de l’expérience morale, formulant aussi des lois, s’appuyant bien aussi quelque peu sur des hypothèses pour étendre la sphère de l’expérience, et arrivant enfin à des conceptions concordant avec les faits de la conscience. Des deux côtés, le procédé est semblable : partir d’un fait, raisonner sur ce fait, confronter les résultats du raisonnement avec les données de l’expérience, voilà la méthode. La métaphysique est alors une science particulière, et, comme nos sensations ne sont que des symboles, si l’expérience morale donne réellement ce que les criticistes lui attribuent, il faut bien avouer que la métaphysique est la vraie science, la science qui seule mérite le nom de positive, puisqu’elle nous fait connaître les réalités, tandis que les autres ne nous montrent que des apparences. Et la métaphysique ne retrouvera-t-elle pas ainsi, du moins en partie, sa suprématie intellectuelle ?

Mais, dit-on, le rôle de la métaphysique sera essentiellement moral ; ceci est une autre fonction qui n’empêcherait pas la première. Il y aurait à distinguer deux choses, d’abord ce que la métaphysique nous apprend, ensuite l’effet que peuvent produire sur notre conduite les sentiments que susciteront les vérités intellectuelles ou morales qu elle révèle.

La métaphysique, ainsi fondée, est-elle bien solide ? Je ne le pense pas. À mon avis, elle manque son but, elle n’atteint nullement l’absolu. Mais elle ne s’écroule pas tout entière ; l’analyse du sujet, la morale, le bien, toutes ces questions restent ; seulement il est possible de les faire rentrer dans d’autres parties de la science : l’idéologie, la logique, d’une manière générale, la psychologie, sont là pour les recevoir. Peut-être, d’ailleurs, interpréteront-elles autrement que ne le fait M. Liard les données de l’expérience interne et en tireront-elles d’autres conclusions.

Et l’absolu est-il accessible ? L’absolu est ce qui existe en soi et par soi. Pour établir son existence réelle, M. Liard reproduit en partie les arguments d’Herbert Spencer. J’ai déjà, dans cette Revue, discuté ces arguments et essayé de montrer qu’ils ne sont pas concluants[1]. M. Liard combat ensuite la théorie de Hamilton. Si les formes ou conditions de

  1. Revue philosophique, septembre 1878.