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il n’y a plus aucune raison pour attribuer à ces existences, malgré leur volume, une immortalité, une incorruptibilité que nulle existence n’a reçue en partage ; leurs destinées sont les mêmes que celles de tout le reste des êtres. Par conséquent, l’origine du monde n’a rien de mystérieux, et aucun prodige ne signalera sa fin.

Nous ne voulons pas entrer dans la partie spéciale de l’ouvrage ; beaucoup de démonstrations précises, empruntées aux découvertes les plus récentes de l’astronomie et de la physique, y fixeront l’attention du lecteur, pourvu qu’il soit quelque peu au courant de ces découvertes ; au besoin même, il pourra sur ce point prendre d’Ardigò pour introducteur et pour guide. Nous préférerions, si nous en avions le loisir, rapporter quelques pages brillantes où, quittant tout à coup le langage du savant, il s’élève sans effort à l’éloquence ou à la poésie. Çà et là se montre une ironie large. Parmi ces passages, le discours du Plésiosaure mériterait d’être cité tout au long. Ce que nous avons cherché surtout, ce sont les vues générales, les aperçus ayant trait à la conception du monde, nouvelle à coup sûr, même après Spencer, qui se dégage de cette étude.

Certes, il n’est pas d’un esprit médiocre, ce livre où la pensée se joue de l’immensité des espaces et de l’infinité des temps, où le système solaire est sans cesse présent aux yeux de l’auteur comme une partie infime et indéfiniment répétée d’un tout plus vaste, où l’unité de la nature et la solidarité des existences qui la composent, quelque éloignées qu’elles soient dans le temps et dans l’espace, forment un fonds continu de grandes vérités qui soutiennent les défaillances de détail. A partir du moment où de telles productions naissent dans un pays et y sont goûtées, ce serait un dommage pour les autres nations de ne pas s’enquérir soigneusement du mouvement d’idées qui s’y fait. Nous verrons bientôt que la formation naturelle n’est pas la seule œuvre intéressante de philosophie que l’Italie ait enfantée dans ces dernières années, bien qu’elle soit à notre avis — toutes réserves faites sur le fond — la plus digne de remarque.

A. Espinas.
(À suivre.)