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trois choses suivantes : l’ignorance considérée comme répartie entre les différents êtres, l’intelligence qui lui est jointe et que distingue l’omniscience, et l’intelligence indépendante de l’ignorance, — union qui est pareille à celle de la chaleur et du fer dans une boule de fer rougie au feu) s’applique en réalité au quatrième, c’est-à-dire à l’intelligence sous forme de bonheur et privée d’attributs (tels que l’ignorance, etc.), qui est le substratum de l’intelligence unie à l’ignorance et qui correspond au mot « cela » (tat) de la grande phrase[1].

Quand, grâce aux leçons de son précepteur, le sens de la grande phrase est bien compris par le pupille vedântin, il se produit dans son intelligence (citta) une modification[2] par l’effet de laquelle elle prend la forme de l’être indivisible (Brahma) et donne lieu de sa part à l’affirmation suivante : « Je suis Brahma pur, délivré, ayant le vrai pour essence, félicité suprême, infini sans second[3].

Quand cette modification de l’intelligence, accompagnée du reflet de l’intelligence interne (c’est-à-dire suprême), a pris pour objet Brahma suprême, inconnu (auparavant) et identique à celui qui est en dedans (sans doute dans l’éther du cœur), l’ignorance en ce qui le concerne est détruite ; puis, de même qu’une pièce d’étoffe ne saurait être brûlée sans que le fil qui en est la cause matérielle soit brûlé lui-même, quand l’ignorance, cause matérielle de tous les effets dont l’ensemble forme le développement matériel de l’univers, a disparu, la modification de l’intelligence ou de la pensée modelée sur la forme de l’être indivisible, qui fait partie de l’univers matériel, s’anéantit à son tour[4].

Il en est de l’intelligence suprême se reflétant dans l’intelligence individuelle ainsi modifiée comme de l’éclat d’une lampe qui ne saurait soutenir celui du soleil et qui s’éclipse devant lui ; l’intelligence individuelle est dominée et éclipsée par l’éclat propre de Brahma, avec lequel elle ne saurait rivaliser. Elle ne lui sert plus de miroir ; en d’autres termes, la modification subie par l’intelligence individuelle, qui n’est qu’une partie de l’attribut d’ignorance dont cette intelligence est douée, ayant disparu, il se produit un phénomène analogue à celui qui a lieu quand disparaît un miroir dans lequel un visage se reflétait et que le reflet s’éteignant il ne reste que le visage même. Dès que la modification de l’âme individuelle reflétant l’âme suprême a cessé d’être avec l’ignorance dont elle dépend, l’âme

  1. Ved. -Sâra, n° 94.
  2. Par modification de l’intelligence, il faut entendre, d’après le commentaire, la manière dont l’organe ou le sens interne se modèle sur les objets extérieurs en passant par le canal des sens externes.
  3. Ved. -Sâra, n° 108.
  4. Ved. -Sâra, n° 109.