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regnaud.études de phylosophie indienne

en vue) reste lui-même qualifié dans son union avec lui et n’obtient qu’une puissance limitée.

D’ailleurs, au témoignage du Sùtra iv, 4, 21, la puissance du vidvân qui a adoré Brahma qualifié n’est pas absolue, car les textes sacrés établissent qu’il n’a de commun que la jouissance avec Içvara, accompli de tout temps.

Mais s’il en ainsi, et puisque sa puissance est limitée, le vidvân est donc exposé à reprendre la condition d’âme individuelle et à reprendre place dans le cercle de la transmigration ? Non, dit le Sùtra iv, 4, 22 ; quoique sa puissance soit limitée, les textes sacrés affirment qu’il ne retombe jamais dans les vicissitudes de la transmigration.

C’est sur cette assertion que se terminent les chapitres des Brahma-Sûtras consacrés à décrire les conditions et les effets de la délivrance.


§ III. — La délivrance dans le Vedânta-Sâra.


Pour le Vedânta-Sâra, la délivrance consiste à supprimer la fausse imputation (adhyâropa) et l’ignorance qui en découle en se pénétrant par la science du vrai sens de la grande phrase (mahâvâkya) : « Tu es cela » (tat tvam asi). À cet effet, il faut être persuadé que ce séjour de jouissance ou de sensations (l’univers sensible) avec tout ce qui le compose, — c’est-à-dire les quatre grandes catégories de corps épais (vivipares, ovipares, êtres nés de germes et êtres nés de la sueur ou de la corruption), la nourriture et la boisson, ce qui forme l’ensemble des choses dont on peut jouir, ainsi que les quatorze mondes, à commencer par la terre, qui supportent tous ces corps et les objets de leur jouissance, et l’œuf de Brahma (l’univers), qui supporte les mondes à son tour, — est identique aux éléments grossiers, cause de l’univers ; — que ces cinq éléments grossiers accompagnés des objets des sens, tels que le son, l’odorat, etc., sont identiques aux cinq éléments subtils, causes des éléments grossiers ; — que ces cinq éléments subtils accompagnés des trois qualités (le sattva, le rajas et le tamas) sont identiques à l’intelligence ayant l’ignorance pour attribut, causes des éléments subtils ; — qu’enfin l’ignorance et l’intelligence ayant l’ignorance pour attribut représentées par Içvara et les autres modes d’union de Brahma avec la matière sont identiques à Brahma ou au quatrième (état), substratum de l’univers matériel[1].

Cette équation cosmogonique revient à dire que le mot « tu » (tvam) de la grande phrase (qui signifie littéralement l’union des

  1. Ved. Sâra, n° 93.