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regnaud.études de philosophie indienne

l’union avec Brahma ne rencontre plus d’obstacle pour celui qui possède la vraie science. Tout motif, en effet, de nature à empêcher ce résultat, a disparu, et aucune œuvre ne peut reprendre naissance, parce que la science en a détruit (brûlé, dit le texte) la semence[1] et qu’une œuvre nouvelle ne saurait s’appuyer que sur l’ignorance.

D’après le Sûtra iv, 2, 1, dans la résorption des organes qui, au moment de la mort, accompagne la délivrance, c’est la voix, en tant que fonction, qui se dissout dans le manas, et non pas la voix considérée comme une entité qui accompagne une fonction. L’expérience le prouve, car, à la dernière heure, la fonction de la voix s’éteint visiblement dans le manas (c’est-à-dire que la pensée survit à la parole), tandis que nul n’aperçoit la dissolution de la voix considérée comme une entité. Au reste, une modification (substantielle) quelconque ne saurait se dissoudre que pour retourner à l’élément dont elle est issue. C’est ainsi qu’un pot redevient terre. Or rien n’indique que la voix (essence) provienne du manas et par conséquent doive y retourner. Mais il n’en est pas de même des fonctions : autres sont leurs causes matérielles, autres sont leur lieu d’extinction. La fonction du feu en est la preuve, car, tirant son origine de combustibles qui sont issus de la terre, elle s’anéantit dans l’eau.

Le Sûtra iv, 2, 2, constate que le même phénomène a lieu pour les autres sens, qui tous se confondent par leur fonction dans le manas au moment où la délivrance s’opère.

Il en est de même pour la dissolution du manas (iv, 2, 3) dans le prâna qui a lieu lors de la délivrance et dans le profond sommeil et que l’expérience confirme, puisque, quand les fonctions des sens et du manas ont cessé, on ne voit plus s’exercer que les mouvements résultant du jeu des esprits vitaux[2]. Alors aussi, ce n’est pas le manas considéré comme une entité distincte qui se dissout dans le prâna, mais bien seulement les fonctions du manas. Si les textes sacrés se servent simplement à cet égard du mot manas, c’est que la fonction et son substratum sont confondus sous une même dénomination.

Les trois Sûtras suivants (iv, 2, 4-6) ont pour objet d’établir que les cinq fonctions dont se compose le prâna se dissolvent dans Jiva ou l’âme individuelle, témoin (adhiyaksha) des actes du corps et ayant pour déguisement (upâdhi) le souvenir de l’ignorance originelle et des œuvres (avidyâkarmapûrvaprajna), et non pas dans le tejas ou l’élément du feu, comme certains textes sembleraient l’établir.

  1. Tasya (karmanah) dagdhabîjatvât.
  2. Sushuptor mumukshoc ça prânavrttau parispandâtmikâyâm avasthitâyâm manovrttinâm upaçamo drcyate.