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générale la méconnaît davantage. Nous ne croyons pas que, parmi les physiologistes de toute école, cette loi de l’inertie de la matière vivante puisse rencontrer un seul contradicteur. Le cas de M. Chauffard est unique. Si l’on fait abstraction, pour alléger le débat, du petit nombre de phénomènes organiques que l’on pourrait chez l’homme rapporter avec plus ou moins de vraisemblance à l’activité libre de l’âme, c’est-à-dire à l’influence du moral sur le physique, on retrouvera à l’origine de tous les actes physiologiques un stimulus matériel. Les arguments que M. Chauffard a rassemblés dans son chapitre « De la spontanéité vivante et du mouvement » ne sont pas faits pour ébranler une vérité si solidement établie. Nous n’avons pas le loisir de nous attarder à les réfuter. Il suffit d’avoir vu le volant d’une machine à vapeur pour être convaincu que la restitution de la force mécanique n’a point pour caractère d’être immédiate ; il suffit d’avoir appuyé le doigt sur la gâchette d’une arme à feu pour savoir qu’il n’y a point de proportionnalité nécessaire entre l’intensité du stimulant et la grandeur de l’effet produit, et il suffit de ces deux exemples pour douter que les choses se passent autrement dans la machine brute et dans la machine vivante. La spontanéité vitale a dans la science moins de fondements encore que l’unité vitale : et le vitalisme spiritualiste, appuyé sur ces deux colonnes chancelantes, ne saurait se soutenir longtemps.

Les conditions de l’activité vitale étant fixées, il reste à examiner les phénomènes par lesquels elle se traduit, c’est-à-dire qu’il faut aborder enfin ce qui est l’œuvre vive de la physiologie, à savoir la phénoménologie vitale.

Pour procéder avec ordre, il faut établir un classement dans les phénomènes vitaux. Cl. Bernard propose une division systématique qui va servir de cadre aux études ultérieures ; il distingue deux ordres de faits vitaux :

1o Les phénomènes fonctionnels,

2o Les phénomènes plastiques.

Les deux types ne sont jamais isolés ; ils sont indissolublement connexes et représentent les deux phases ou, comme on l’a dit, « les deux versants » du travail vital. Il n’y a de vie complète que par l’enchaînement réciproque de ces deux sortes d’actions. Cette vérité constitue l’axiome fondamental de la physiologie générale. Elle nous fait saisir le principe même de l’erreur du dualisme vital, qui partageait ces deux facteurs vitaux entre les deux règnes, tandis qu’il ne saurait en réalité y avoir d’être vivant sans leur réunion et leur coexistence.