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dastre.le problème physiologique de la vie

siologiques, dans le giron de la métaphysique, qui la réclame. Le physiologiste se réduit à poursuivre la cause prochaine, efficace, exécutive : il ne veut pas ressembler à ce chirurgien amateur des causes lointaines qui attribuait la mort d’un soldat tué dans la tranchée, non pas au boulet qui l’avait frappé, mais à la décision du souverain qui avait déclaré la guerre.

Une troisième notion, celle de l’évolution, intervient, ainsi que nous l’avons vu, dans la conception de la vie. Ici, nous devons reconnaître que les idées de Cl. Bernard ont varié ; il a mis longtemps à comprendre que cette notion se résolvait dans les deux précédentes et ne constituait pas un fait nouveau. C’est qu’en effet l’évolution est un caractère de l’élément protoplasmique aussi bien que de l’animal complexe ; et l’éminent physiologiste avait borné d’abord ses considérations à l’animal complexe. En voyant cet animal sortir de l’œuf, former une ébauche d’abord grossière de ce qu’il sera plus tard et arriver à son état parfait par une série de retouches et par un fini de détail toujours plus achevé, on croirait qu’une cause créatrice, l’âme architectonique de Stahl, l’archeus faber de Van Helmont, modèle le bloc de substance vivante comme le sculpteur le bloc de marbre et que l’œuvre de formation organique est une « création » au même titre que l’œuvre d’art. Rien d’analogue ne paraît dans les corps bruts : et cette propriété organotrophique a été envisagée comme la propriété physiologique par excellence, bien qu’elle soit précisément celle qui échappe le plus complètement à la prise de la science physiologique.

Analysons pourtant le phénomène du développement organique. Nous trouvons comme point de départ un élément cellulaire, l’ovule primordial : cet élément fécond, comme les éléments anatomiques le sont tous, au degré près, engendre d’innombrables cellules. Jusque-là, nous sommes dans le domaine de la vie élémentaire, et la physiologie de l’élément anatomique devra nous expliquer sa prolifération. Mais voici le nouveau : ces myriades de générations ne restent pas à l’état de masse confuse, elles forment au contraire un édifice régulièrement construit, l’animal parfait avec sa figure si particulière : il y a eu un arrangement, un ordre, un concert des parties composantes. La cause créatrice de l’organisme n’est donc pas autre chose que la cause directrice dont nous parlions tout à l’heure, qui conduit le concert des instruments élémentaires de la vie. Il n’y a pas réellement deux notions différentes, il n’y en a qu’une : il n’y a point deux principes, il y en a un seul, et il est métaphysique, car, comme l’a dit M. Caro, il ne réside « ni dans la matière, ni dans la force, mais dans un troisième terme, l’idée ».