Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée
369
stuart mill.fragments inédits sur le socialisme

en sens contraire. Les règles de certaines associations ouvrières interdisent actuellement à leurs membres de dépasser une certaine mesure donnée de force productrice, de peur de diminuer par cet excès de travail le nombre des ouvriers nécessaires pour faire tout l’ouvrage. Pour la même raison, ces sociétés opposent de violentes résistances aux inventions destinées à économiser le travail. Le changement qui ferait passer de cet état de choses à un autre où chacun aurait intérêt à rendre autrui industrieux, habile et attentif autant que possible (ce qui aurait heu dans le communisme), serait très-certainement dans le sens du mieux.

Toutefois, il faut remarquer que les principales défectuosités du système actuel par rapport à la force productrice de travail peuvent recevoir des amendements, et que l’on obtiendrait les principaux avantages du communisme en cette matière par des dispositions compatibles avec la propriété privée et la concurrence individuelle. On a déjà réalisé une amélioration considérable par le travail à la pièce dans les genres d’ouvrage qui le comportent. Ce système rattache étroitement l’intérêt personnel de l’ouvrier à la quantité d’ouvrage qu’il rend, sinon à la qualité, dont la vigilance de l’employeur demeure encore l’unique garantie. D’ailleurs le travail à la pièce n’est pas en faveur dans la classe ouvrière ; elle s’y montre au contraire souvent hostile, parce qu’elle croit y voir un moyen de restreindre le marché du travail. Cette aversion pour le travail à la pièce repose certainement sur de bonnes raisons, s’il est vrai, comme on le prétend, que trop souvent les employeurs s’en servent pour constater le maximum d’ouvrage que peut rendre un bon ouvrier, afin de fixer le prix de la pièce si bas, qu’en faisant tout son possible, l’ouvrier ne peut pas gagner plus qu’on n’aurait été obligé de lui donner sous forme de salaire quotidien pour le travail ordinaire.

Mais il y a pour les inconvénients du travail salarié un remède bien plus parfait que le travail à la pièce : c’est ce qu’on appelle la participation industrielle, c’est-à-dire la participation de tous les travailleurs aux profits, par le partage entre tous ceux qui ont pris part au travail, sous forme d’un tant pour cent du bénéfice, d’une partie ou de la totalité des gains, déduction faite d’une rémunération attribuée au capitaliste. On a vu en Angleterre et ailleurs que ce système était d’une efficacité admirable. Il a rallié les sentiments des ouvriers qui s’y emploient, lesquels portent tous une attention sérieuse à l’intérêt général de l’affaire. En excitant à la fois le zèle des travailleurs et en mettant fin au gaspillage, ce système a accru d’une façon sensible la rémunération du travail, dans tous les genres de production où on l’a appliqué. Il est évident qu’il est susceptible