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ardents à mettre en œuvre les idées dont ils espèrent des résultats considérables et immédiats. Mais les personnes de ce genre ont très-souvent un caractère confiant à l’excès et un jugement très-impaifait, qui les rend impropres à la direction générale des affaires ; et lorsque par hasard ils y sont propres, c’est justement contre eux que les hommes vulgaires entretiennent des préjugés. Le plus souvent, ils seraient incapables de surmonter la première difficulté qui les arrêterait, celle de persuader à la fois à la société d’adopter leur projet et de les accepter pour directeurs. Aussi peut-on croire que, sous le régime du communisme, la gestion des affaires se prêterait moins, selon toute probabilité, à l’ouverture de nouvelles voies, et n’obtiendrait pas, en vue d’un avantage éloigné et incertain, des sacrifices immédiats rarement accompagnés de risques, sans doute, mais sans lesquels aucune grande amélioration dans la condition économique des hommes ne saurait se réaliser. Les gérants ne pourraient pas davantage conserver l’état existant en présence d’un accroissement continuel du nombre des bouches à nourrir.

Jusqu’ici, nous n’avons tenu compte que de l’effet des motifs sur l’esprit des gérants de l’association. Voyons maintenant ce qui se passe du côté du commun des travailleurs.

Les travailleurs, sous le régime du communisme, n’auraient aucun intérêt, en dehors de leur part dans l’intérêt général, à faire leur travail honnêtement et activement. Mais, sur ce point, l’état des choses ne serait pas pire qu’à présent, en ce qui concerne la grande majorité de la classe qui produit. Payés en salaires fixes, les ouvriers sont si loin d’avoir à l’efficacité de leur travail un intérêt direct qui leur soit propre, qu’ils ne prennent pas même dans l’intérêt général la part que tout ouvrier y prendrait dans l’organisation communiste. Aussi tout le monde a-t-il remarqué l’insuffisance du travail à gages, et la façon imparfaite dont il met en jeu les aptitudes réelles des travailleurs. Sans doute, la réputation d’être un bon ouvrier n’est pas sans valeur ; elle a pour effet de faire donner de préférence du travail à l’homme qui la possède, et souvent un salaire plus élevé. Il lui est possible encore de monter à la position de chef d’atelier ou d’administrateur subalterne, non-seulement plus payés que les ouvriers ordinaires, mais favorisés quelquefois de certains avantages ultérieurs. Mais, d’un autre côté, il faut dire qu’avec le communisme les sentiments de la société, composée de compagnons sous les yeux desquels chacun travaille, se montreraient certainement favorables au travail bon et sérieux et défavorable à la paresse, à l’inattention, au gaspillage. Dans le système actuel, non-seulement il n’en est pas ainsi, mais l’opinion publique de la classe des ouvriers agit souvent