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fiant que nous appelons notre cénesthésie, et que nous possédons sans interruption tant que nous veillons ; il n’y a, dans la conscience, de solution de continuité que lorsqu’il y a arrêt dans la désintégration névro-psychique : durant le sommeil profond et durant la syncope.

La conscience du moi, qui est un cas particulier de la conscience en général, se conforme aussi à ce que nous venons de dire, mais avec cette différence qu’elle est bien plus souvent interrompue, bien plus intermittente que la cénesthésie totale ; car celle-ci est souvent formée de sensations directes ou réflexes, suffisamment intenses pour enrayer complètement la désintégration due aux sensations personnelles, c’est-à-dire pour étouffer tout sentiment individuel. Il nous faut sortir de nos réflexions pour nous rappeler que c’est nous qui avons réfléchi ; car, si la forte tension qui domine nos éléments centraux ne s’apaise pas au point de permettre à des sensations locales de nous rappeler à l’individualité, ces sensations ne produisent point de désintégration et par conséquent point de conscience. Il faut une forte impression pour tirer de sa rêverie un homme absorbé par de profondes réflexions ; si l’impression incidente n’a pas la force d’introduire dans les éléments centraux, malgré la tension qui les domine, sa propre modalité de désintégration, elle ne produit point de conscience correspondante et passe inaperçue. Le sentiment de continuation de la même individualité est le résultat du fonctionnement modifié des centres nerveux, à la suite de la réintégration particulière qui s’opère, pendant chaque période de repos total ou partiel, dans les éléments nerveux qui ont été désintégrés d’une façon particulière pendant chaque période d’activité : ces dernières sont assimilées et réunies en un tout, précisément comme les phrases d’un chapitre, ou les mots d’une phrase, ou les lettres d’un mot.

Si le lecteur, ainsi mis sur la voie, examine sérieusement autant d’exemples qu’il voudra, choisis de façon à servir de type à toutes les formes connues d’activité psychique, il finira toujours par arriver à quelque chose de très-semblable à la loi que j’ai formulée plus haut ; après avoir erré dans le labyrinthe cérébro-psychique et en avoir fouillé tous les coins et recoins, il sera inévitablement conduit à la seule issue qu’il y ait, et qui est celle-ci :

La conscience est l’expression subjective de la désintégration fonctionnelle des éléments nerveux ; son intensité est en proportion directe de la désintégration des éléments actifs et, en même temps, en proportion inverse de la facilité avec laquelle chacun de ces éléments transmet à d’autres la désintégration qui s empare de lui et rentre dans la phase de réintégration.