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à présent son intermittence partielle. Vous lisez un chapitre qui vous intéresse, ou bien vous assistez à une leçon importante, ou bien encore vous réfléchissez en silence à un problème qui vous préoccupe. Vos centres nerveux subissent une désintégration profonde et étendue, causée par les impressions multiples qui les frappent et par les innombrables sensations réflexes qu’elles éveillent. Vous êtes vivement conscient de ce qui se passe. Mais cette occupation vous fatigue, et vous allez prendre un repas, ou faire une promenade, ou bien, pour une raison quelconque, votre activité psychique se porte sur d’autres cellules, ou groupes de cellules, ou régions du cerveau, et laisse le champ libre à la réintégration des parties qui viennent de travailler ; immédiatement vous perdez toute conscience de l’activité précédente, pour n’être conscient que de l’activité actuelle. En attendant, la réintégration s’accomplit, et, si les vibrations fonctionnelles s’emparent de nouveau des parties réintégrées (si vous reprenez l’occupation interrompue), vous trouverez ces parties prêtes à vibrer de nouveau, mais d’une façon un peu différente : vous reconnaîtrez ce que vous avez connu tout à l’heure ; vous trouverez le chaos d’impressions reçues alors, dûment associé en un tout harmonique ; vous vous trouverez en possession d’une synthèse, d’une conclusion nouvelle, d’une idée qui ne voulait pas venir et qui maintenant vient toute seule ; vous aurez appris quelque chose ; vous aurez acquis une nouvelle faculté, et tout cela sans la moindre conscience de la réintégration à laquelle vous devez ce progrès.

Renfermons-nous dans des limites encore plus étroites. Au moment même où vous lisez un chapitre, vous n’avez conscience à chaque instant, pris isolément, que de la phrase que vous êtes en train de lire, et point de celle que vous venez de lire ; c’est que cette dernière a déjà passé de la phase désintégrative à la phase réintégrative ; et si, à la fin du chapitre, vous en possédez le contenu dûment coordonné, c’est grâce à la réintégration inconsciente de la série de désintégrations conscientes qui se sont suivies. La même chose peut se dire de chaque mot qui entre dans la composition d’une phrase ; cela est évident chez les personnes peu familières avec le sujet de leur lecture. La même chose peut se dire de chaque lettre qui entre dans la composition d’un mot ; cela est évident chez les individus qui ne savent pas bien lire, et surtout chez ceux qui sont en train d’apprendre à lire. Si nous remontons cette échelle en sens inverse, nous voyons que, tandis que 1 impression de chaque lettre produit chez celui qui apprend à lire une désintégration consciente, quelque passagère qu’elle soit, il cesse d’en être conscient au moment où la réintégration prend le dessus ; la conscience passe alors au