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espinas. — philosophie expérimentale en italie

II

Il nous semble que les spéculations métaphysiques d’un certain genre veulent pour prendre leur essor un milieu confiné où les âmes tranquilles puissent se soustraire aux sollicitations des besoins économiques et sociaux : chez les nations modernes, qui vivent de commerce et d’industrie et sont dans la nécessité de pourvoir elles-mêmes à une organisation politique de plus en plus complexe, ceux qui pensent doivent être au contraire incessamment sollicités de fournir à l’action des règles positives puisées dans l’observation des faits. C’est ce qui explique à notre sens le retour de fortune qu’ont de toutes parts en Europe les recherches psychologiques fondées sur l’observation ; on a besoin d’elles pour résoudre une multitude de difficultés pratiques. En Italie, nous venons de voir que l’urgence de telles solutions a maintenu les sciences morales et politiques assez près des faits, tandis que la philosophie planait dans la région des idées. C’est à l’histoire et à l’économie politique que la pensée italienne doit de ne point s’être tout à fait égarée à la poursuite des archétypes ; c’est par l’histoire et l’économie qu’elle recommence à toucher terre et reprend possession de la réalité. Mais les sciences naturelles exercent en ce sens une influence plus décisive encore : elles imposent aux esprits certaines allures incompatibles avec les grands coups d’ailes que nécessite la recherche de l’absolu. A peine l’Italie a-t-elle commencé à compter de nouveau quelques grands physiciens et naturalistes, voici qu’elle revient aussi à son point de vue du xviiie siècle et rentre dans la voie où elle avait suivi jadis l’Angleterre et la France.

Nous n’avions dessein que de placer les analyses qui vont suivre dans leur cadre naturel ; il nous suffira de mentionner à côté de chacun des travaux que nous allons examiner les œuvres analogues qui ont paru récemment de l’autre côté des Alpes. Si l’on forme une première catégorie des publications où la nature est envisagée dans son ensemble et où la méthode philosophique elle-même est étudiée, nous rencontrons celles de Moleschott, que nous n’avons pas besoin de caractériser, parce qu’elles sont connues de tous, celles de Mantegazza, dont nos lecteurs ont eu sous les yeux un échantillon, celles d’Angiulli, que nous leur avons présentées ici même, et celles de Roberto Ardigò.

Le livre qui contient les idées de cet éminent penseur sur l’univers et les rapports possibles de l’esprit humain avec les choses parait au premier abord consacré à un sujet plus restreint ; il est