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analyses. — The Life and Education of Laura Bridgman.

À son entrée dans l’asile, elle n’avait proprement aucune idée de la mort : « Elle décrivait avec des gestes frénétiques, nous dit l’auteur de l’introduction, l’horreur qu’elle ressentit lorsqu’à l’âge de sept ans elle toucha un cadavre. Toutefois cette horreur ne venait pas d’une idée exacte de ce qu’est un cadavre : mais de ces sensations nouvelles de froid et de rigidité inflexible. N’ayant pas pensé à la mort, elle ne pouvait avoir pensé à une existence après la mort. » (P. xix.)

Elle manifeste la même terreur, après son entrée à l’asile, en apprenant la perte de quelques-unes de ses compagnes, et elle refusait naïvement d’admettre qu’elle dût subir la même loi. La mort d’un enfant qui lui était cher amena le Dr Howe à engager avec elle un curieux dialogue sur l’âme (p. 116) et à lui inculquer la croyance à son immortalité : ce fut pour elle une consolation ; mais nos auteurs font remarquer qu’elle n’avait « aucune idée intuitive » à ce sujet.

Tels sont les principaux renseignements qui, dans cette monographie, peuvent intéresser le psychologue. Nous avons dû omettre beaucoup de détails épars. Mentionnons-en pourtant quelques-uns. Ses rêves sont la reproduction de son état de veille. Elle rêve qu’elle parle, mais avec les doigts ; qu’elle voit telle personne, c’est-à-dire qu’elle la rencontre (p. 88). — La finesse du tact atteint chez elle ce degré de divination qui pour nous est le propre des yeux. Nous trouvons un sens à la contenance, aux divers tons de la voix. « Laura, dit le Dr Howe, observe non-seulement les divers tons du langage des doigts ; mais elle trouve un sens à chaque posture du corps, à chaque mouvement d’un membre. Dans le jeu divers des muscles, elle observe la pression légère de l’affection, la force convaincante de la persuasion, le mouvement ferme du commandement, la vive secousse de l’impatience, le spasme soudain de la colère et autres changements qu’elle interprète vite et exactement. »

La plus grande partie du livre est consacrée à retracer le plan suivi pour son instruction. Nous la voyons initiée successivement à la grammaire, à l’arithmétique et à l’algèbre, à l’histoire, à la géographie et, ce qui n’était pas moins difficile, aux différentes notions de la vie commune. Il est bien banal de faire remarquer combien une fille réduite au toucher seul, est limitée dans ses moyens de connaître ; et cependant, pour le comprendre clairement, il faut la suivre dans tous les détails de sa vie. On comprend en même temps quelle somme énorme de connaissances l’enfant acquiert de lui-même, passivement, sans le vouloir, à l’aide de ses oreilles et de ses yeux. Telle est la réflexion qui revient à chaque instant en lisant ce livre.

Ce qui rend le cas de Laura Bridgman plus intéressant qu’aucun autre, c’est le remarquable degré d’intelligence dont elle est douée. Un bon naturel, une bonne humeur presque inaltérable, une curiosité toujours en éveil, une patience pour s’instruire égale à son ardeur : telles sont les qualités que tout le monde lui accorde. Elle est avide de lecture,