Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
321
analyses. — The Life and Education of Laura Bridgman.

des expériences plus méthodiques et plus nombreuses pour élucider cette question : Comment l’aveugle-né acquiert-il l’idée des déterminations de l’étendue ? Sur ce sujet, nous n’avons rien trouvé de plus que ce qui précède.

Quoique privée des perceptions visuelles et auditives qui nous servent à mesurer le temps, elle avait, dès l’époque de son entrée à l’asile, une telle exactitude d’appréciation que le Dr Howe y voit une tendance intuitive. « Sans l’aide de la succession des jours et des nuits ni du son des horloges, elle n’en divise pas moins le temps très-exactement. Elle connaît parfaitement les jours de la semaine et la semaine prise comme tout. Elle divise le jour par la distribution des classes, des récréations, des repas. » — « Ceux qui soutiennent que la faculté de percevoir et de mesurer le temps est innée à l’esprit, pourront considérer comme un fait important que Laura mesure le temps assez exactement, pour distinguer entre une note de musique et une demi-note. Assise au piano, elle peut jouer très-correctement des mesures comme celles qui suivent : première mesure : une noire, deux croches, une noire, une noire ; — deuxième mesure : une noire, une noire, deux croches, une noire. Il faut qu’elle ait une perception claire du laps de temps pour frapper les deux huitièmes (les deux croches) au moment voulu, puisque, dans la première mesure, ils se trouvent au deuxième temps et dans la seconde mesure au troisième[1]. »

Pour achever l’étude du développement intellectuel de Laura Bridgman, il nous reste à parler d’une question qui joue un grand rôle, dans la dernière partie de ce livre : il s’agit de ses idées religieuses.

L’auteur de l’introduction, en sa qualité de docteur en théologie (D. D.), a fort insisté sur ce point, et nous ne pouvons mieux faire que de transcrire ici les passages les plus importants :

« L’histoire de Laura Bridgman jette quelque lumière sur la doctrine des intuitions. Nous n’examinerons ici qu’une question : si, avant son entrée à l’asile, elle avait quelque idée d’un Dieu infini et de sa propre immortalité. Dans tous ses rapports, le Dr Howe a affirmé sans hésiter qu’elle n’avait aucune idée de l’Être infini. Cette opinion semble exacte. Il y a quinze ans (ce passage a été écrit en 1878), j’eus avec elle deux entretiens, dont l’un fort long, sur ses idées relatives à l’Être suprême. Il me parut évident :

« 1o Que, avant son entrée à l’asile, elle n’avait aucune croyance ne l’existence d’un Dieu infini et parfait, aucune idée à cet égard ;

« 2o Que l’habitude de raisonner de l’effet à la cause, en particulier de partir de sa propre nature morale, l’avait amenée à croire, occasionnellement, à un ou à des êtres mystérieux qui pouvaient la toucher en quelque chose (by whom her interests were affected) ;

3o Que son idée de cet être ou de ces êtres était très-inférieure à

  1. Page 19-20. À cette époque, Laura avait dix ans.