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hommes de talent ont fait pour la science et quelle vérité positive, hors de contestation, ils ont découverte. Ils ont restauré l’ontologisme et le platonisme ; ils ont cru ensevelir Kant sous leurs réfutations accumulées ; l’ontologisme et les archétypes en sont-ils moins morts ? Kant en est-il moins vivant ? Maintenant que la fièvre du Rinnovamento est tombée et que l’Italie est faite, si l’on cherche (en dehors de la sphère des intérêts politiques) quels résultats cette longue période d’agitation laisse après elle, on trouve, comme résultats positifs, les études de Mamiani et de Spaventa sur la Renaissance, où l’Italie a pris conscience d’elle-même en tant que nation pensante ; comme résultats négatifs, un discrédit irrémédiable jeté sur la métaphysique, et une impopularité croissante attachée à l’idéalisme et à la religion, malheureusement associés dans cette entreprise de propagande philosophique et politique à la fois. Quant à la philosophie de l’expérience, si longtemps traitée comme une doctrine perverse, presque anti-nationale, elle a recueilli dans la lutte des sympathies aussi vives que les haines qu’elle inspirait. Un polémiste éloquent, Ausonio Franchi, prêtre d’abord lui aussi, mais passé corps et âme dans le camp contraire, s’est fait son défenseur, et, aux applaudissements du grand public, devenu juge du débat, il a porté des coups hardis à la doctrine de l’absolu. Ferrari est mort récemment dans sa patrie, entouré de respect et d’admiration. Et, après un^instant d’engouement pour la métaphysique de Schelling et de Hegel, c’est la gauche hégélienne et le naturalisme historique qui ont le plus de représentants en Italie. Nicola Marselli et Pasquale Villari ont appliqué le positivisme à l’histoire. A Franchi, à Marselli, à Villari, ajoutez quelques économistes plus ou moins attachés à l’observation des faits ; voilà ceux qui, avec les philosophes physiciens, biologistes ou zoologistes dont nous parlerons tout à l’heure, sont l’objet de l’attention du public italien, ceux sur lesquels les idéalistes tempérés eux-mêmes comptent peut-être en secret pour jeter quelque lustre sur la philosophie italienne aux yeux de l’étranger. Quant à la chimère d’une philosophie nationale, exclusivement italienne, que Rosmini, Gioberti et Mamiani ont fait briller aux yeux de leurs compatriotes comme pour leur ôter tout sang-froid, elle s’est évanouie dès qu’on a compris que la pensée italienne ne pouvait subsister et s’accroître qu’en s’alimentant dans le grand courant d’idées qui circule en Europe. La muraille que les idéalistes avaient laborieusement construite est renversée, et, grâce aux partisans de l’expérience, l’Italie est entrée pour la philosophie comme pour le reste dans le concert européen.