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dastre. — le problème physiologique de la vie

singulière conséquence que la vie étant dans le développement, la vie serait précisément la seule préoccupation qui fût étrangère à la physiologie !

On ne saurait nier que l’évolution ne soit un caractère infiniment remarquable des êtres vivants. Mais la vie n’est pas là tout entière : elle n’est pas seulement dans le fait que des phénomènes se succèdent ; elle est bien un peu dans ces phénomènes eux-mêmes. L’évolution établit un rapport entre la marche de l’être et la marche du temps. Nous ne le contesterons pas. Nous ne partagerons pas l’erreur des zoologistes ou des botanistes pour qui la limitation en durée n’est pas un caractère immanent de la vie, profondément inscrit dans l’organisation de l’individu animal ou végétal. Ceux-là n’ont pas cru à la nécessité de la mort naturelle. Ils ont vu la raison suffisante de la mort dans la répercussion sur l’individu de circonstances cosmiques, extérieures et contingentes. Que l’on prenne pour exemple un chêne, dont la vie peut atteindre à la durée de plusieurs siècles. À la longue, après avoir victorieusement résisté aux assauts des éléments, l’arbre finit par se détruire. Mais la raison de sa destruction réside dans les circonstances extérieures et non point dans quelque condition interne. Le froid et la chaleur, l’humidité et la sécheresse, l’effort de la neige, l’action mécanique de la pluie, de la grêle, des vents déchaînés et de la foudre, les ravages des insectes et des parasites : voilà les véritables agents de sa ruine. De plus, les rameaux nouveaux poussés chaque année accroissant la charge du tronc, aggravent la pression des parties et rendent plus difficile le mouvement de la sève. Sans ces obstacles étrangers pour ainsi dire à l’être végétal lui-même, celui-ci pourrait continuer indéfiniment à fleurir, à fructifier et à pousser au retour de chaque printemps de nouveaux bourgeons. Les exemples d’êtres végétaux dont la durée est pour ainsi dire indéfinie se présentent sans cesse à l’observation des botanistes. Telles les plantes à rhizome défini, comme le colchique, tels encore tous les végétaux reproduits par bouture. Le colchique automnal a une tige souterraine dont le bulbe pousse chaque année de nouveaux axes pour une nouvelle floraison, et, chacun de ces nouveaux axes atteignant une longueur à peu près constante, un botaniste a pu se proposer le singulier problème de savoir combien de temps il faudrait à un même pied convenablement dirigé pour arriver à faire le tour du globe. Les saules pleureurs qui ornent les bords des pièces d’eau dans les parcs et les jardins de l’Europe tout entière, provenant directement ou indirectement des boutures du premier Salix Babylonica introduit dans nos pays, ne sont-ils pas les fragments permanents de cet unique et même saule ?