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dastre. — le problème physiologique de la vie

une âme. Mécanistes ou vitalistes, voilà les adversaires qui depuis qu’on dispute se disputent vainement la possession du secret de la vie. Nous n’avons pas à nous mêler à leur éternelle querelle : nous n’avons rien à leur demander, ils n’ont rien à nous apprendre. Ce serait peine perdue d’interroger Pythagore, Platon, Aristote, Hippocrate, Paracelse, Van Helmont et Stahl sur le principe de la vie, ou M. Chauffard sur l’âme vivante ; mais ce ne serait point pousser beaucoup plus nos affaires que de consulter Épicure, ou Démocrite, ou les iatro-mécanistes, ou les chimistes sur leur matière vivante. Il y a mieux à tenter : il y a à interroger la nature.

La nature nous montre un nombre infini d’êtres, animaux ou végétaux, que la langue commune qualifie d’êtres vivants. Cette désignation univoque suppose implicitement quelque chose de commun à tous, un attribut universel ou tout au moins une manière d’être qui leur appartient indistinctement, sans acception d’espèces, ou de genres, ou de règnes. D’autre part, l’analyse anatomique nous apprend que les êtres animés et les plantes sont résolubles en parties de moins en moins complexes dont la dernière et la plus simple est l’élément anatomique, organe microscopique qui lui aussi est vivant.

On peut soupçonner que tous ces êtres entiers ou fragmentaires possèdent une manière d’être identique, qu’ils présentent un ensemble de caractères communs qui leur méritent cette désignation commune d’êtres vivants qu’on leur applique. Il n’y a pas à chercher les raisons du sentiment instinctif qui a déterminé cette appellation ; ces raisons sont certainement mauvaises. Et cependant, avec ses mauvaises raisons, l’instinct universel n’a point tort.

La physiologie générale enseigne qu’en effet tous les êtres ont un ensemble de traits communs, nécessaires, permanents, dont l’ensemble bien déterminé constituera la vie. Définir la vie, ce sera fixer isolément ces traits et les synthétiser ensuite en un tout. Voilà la méthode, qu’on pourrait appeler naturaliste, que va employer Cl. Bernard pour résoudre le problème que les vitalistes et les mécanistes tranchent par des a priori.

Il nous faut suivre Cl. Bernard dans l’exécution de ce plan. Encore bien que l’on ne soit pas un physiologiste de profession, et qu’on n’accorde à de telles entreprises qu’une curiosité de dilettante, on ne peut manquer d’éprouver le plus noble intérêt devant ce déploiement de ressources, cette marche à la fois logique, ferme et savante, qui, de progrès en progrès, va amener le célèbre physiologiste au but qu’il se propose, sans qu’il ait faibli ou manqué d’haleine un seul instant. La physiologie générale, nous dit-il, est l’étude de la vie : la