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vaient en présence d’une œuvre de premier ordre. M. Chauffard lui-même, si bien au fait de toutes les hautes questions de philosophie scientifique, ne semblait pas avoir connaissance de ces documents essentiels. Son livre, bien que tout récent, est muet là-dessus. Mais nous avons à peine le temps de formuler notre critique : voici que l’omission est pleinement réparée. L’article consacré par l’éminent médecin à Cl. Bernard dans la Revue des Deux-Mondes fait à l’œuvre du dernier jour une part équitable, la part qui lui est due : plus d’une moitié est réservée à l’appréciation de ce manifeste de la physiologie générale, qui est en effet plus de la moitié de l’œuvre scientifique de Cl. Bernard.


I

« Qu’est-ce donc que cette physiologie générale que vous prétendez nous enseigner ? Sont-ce des généralités à propos de physiologie, ou est-ce de la physiologie à propos de généralités ? » Au collègue impertinent qui l’accueillait par ces paroles de bienvenue, Cl. Bernard répondit par le conseil de suivre ses leçons afin de s’en éclairer. — C’est qu’en effet, malice à part, le nom de physiologie générale ne porte pas avec lui son explication suffisante : on n’y voit pas assez une science indépendante ayant son objet propre.

Et pourtant, personne dans le monde scientifique ne conteste à l’anatomie générale, sa prétention à l’autonomie, à l’indépendance. Un nom nouveau, le nom d’histologie, a accentué aux yeux du public la séparation de cette science nouvelle d’avec l’anatomie ancienne, et consacré son émancipation. La physiologie générale n’a pas eu cette fortune : elle est, comme son objet même, impossible à définir d’un mot.

Son objet est l’étude de la vie, de la vie considérée comme l’attribut universel des animaux et des plantes, sans distinction de règne, d’embranchement, de classes, de familles, de genres ni d’espèces : c’est l’étude de la vie élémentaire.

Nous voici, dès le début, placés en face de cette redoutable énigme : Qu’est-ce que la vie ? C’est la nécessité de définir l’objet de notre science nouvelle, et non point le goût des aventures métaphysiques, qui poussait Cl. Bernard à l’examen de cette question. C’est par là aussi que nous rentrons dans l’ordre des études qui peuvent trouver place dans la Revue philosophique.

Lorsqu’on demande aux écoles philosophiques ce que c’est que la vie, les unes nous montrent une cornue, les autres nous présentent