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naville. — la physique et la morale

l’apparition spontanée d’un corps dans un système donné, ou sa création proprement dite, ce corps changerait la direction des mouvements antécédents et non leur quantité ; et c’est là tout ce que je veux établir. En résumé, l’explication des phénomènes physiques suppose la forme des surfaces résistantes, élément de géométrie que ne remplacera jamais la supputation arithmétique de la quantité de mouvement. Passons à la biologie.

Les lois de la physique, au sens le plus général de ce terme, rendent-elles compte des phénomènes vitaux ? Dans l’état actuel de la science, non. Aucun physiologiste sérieux, et comprenant les exigences de la méthode expérimentale, n’affirmera qu’il peut rendre compte, par la seule considération des phénomènes physiques, de l’origine des organismes. Ceux qui formulent cette affirmation émettent une hypothèse, ce qui est leur droit ; mais ils se trompent gravement s’ils donnent à leur prévision théorique le caractère d’une induction expérimentale solide. Pour une science positive et prudente, toutes les manifestations de la vie supposent le concours des lois physiques et de lois propres à l’organisme. C’est une des affirmations sur lesquelles Claude Bernard a le plus insisté. Les organismes étant donnés, la science contemporaine cherche, comme je l’ai dit, à établir que tout s’y passe conformément aux lois de la physique. Elle a fait de grands progrès sous ce rapport ; mais, pour ramener l’objet de la biologie au pur mécanisme de la matière, il faudrait établir que les germes ou semences sont de purs agrégats, et que les phénomènes de la formation des organismes, comme aussi ceux de la génération, sont du même ordre que les phénomènes de la cohésion et de l’affinité. Or rien encore ne fournit la base d’inductions suffisantes pour élever cette supposition à la hauteur d’une théorie. Dans cet état de choses, il est naturel de penser que, dans les êtres vivants, et d’abord dans les germes ou semences, il existe une cause spéciale de coordination des mouvements physiques. Cela étant admis à titre d’hypothèse possible, on arrive à la conception d’une force plastique qui change la direction des mouvements physiques, sans en modifier la quantité.

Je ne discute point ici la valeur objective et réelle de cette conception ; je dis seulement qu’elle est possible, ce qu’il serait difficile de contester, et j’en étudie les conséquences en vue de l’objet de mon étude. Un champ est semé : les graines sont les unes vivantes, les autres mortes. Tous les mouvements sont pareils, y compris celui du semeur ; et avec la même action du soleil, de l’air, de l’eau, les résultats obtenus seront différents. Une partie des graines se décomposera, l’autre partie produira des plantes, en donnant une