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éveille, nous allons voir éclater le conflit de la physique et de la morale.

Tous les phénomènes spirituels se manifestent par le mouvement. Comment les hommes se communiquent-ils leurs sentiments, leurs pensées et leurs volontés ? Ils ne disposent pour cela que de trois moyens : le geste, la parole et le regard. Le geste est un mouvement des membres ; la parole est un mouvement des organes vocaux transmis à l’air ambiant ; et qu’est-ce que le regard, dont la puissance est si grande parfois ? Qu’y a-t-il entre des yeux qui regardent et d’autres yeux qui, dans un regard, lisent instinctivement la pitié, la colère, l’orgueil ou l’humilité, l’amour ou la haine ? Les ondulations de l’éther, c’est-à-dire encore un mouvement. Donc, au moins dans les limites de nos expériences ordinaires et scientifiquement constatées, les esprits ne communiquent entre eux que par le moyen des mouvements de la matière. Ce n’est pas tout. La pensée, le sentiment, la volonté, qui ne sont communicables que par un mouvement externe, ne se produisent que dans un rapport indissoluble avec des phénomènes cérébraux, dont la théorie est loin d’être achevée, mais que la science cherche résolument à déterminer comme des mouvements moléculaires. Nous n’avons sans doute aucun droit d’affirmer, dans un sens absolu, qu’il ne peut exister de pensées sans un organisme cérébral ; c’est là une induction absolument illégitime. L’habitant d’une des îles de l’Océanie qui affirmerait que la faune et la flore du globe entier sont identiques à celles de son île émettrait une affirmation moins imprudente que celle du savant qui conclurait, des conditions des phénomènes spirituels observés sur notre globe, aux conditions de ces mêmes phénomènes dans l’univers entier. Qu’il existe des esprits, c’est-à-dire des êtres, capables de penser et de vouloir dans des conditions autres que celles de l’humanité, c’est ce qu’une science expérimentale sérieuse et prudente ne saurait ni affirmer ni nier. Mais, dans les limites de notre expérience actuelle, l’esprit ne se manifeste à lui-même comme aux autres que sous la condition des fonctions cérébrales. Lorsque Descartes affirme qu’il se connaît comme esprit, sans savoir s’il a un corps, ce grand homme oublie qu’il a éprouvé parfois, à la suite d’un exercice prolongé de la pensée, une fatigue de la tête, et que cette fatigue lui a révélé l’intervention de l’organisme dans les fonctions intellectuelles. S’il avait étudié ce sujet plus attentivement, il aurait reconnu que l’observation pure et simple, sans aucune notion de physiologie, suffit pour constater que le cerveau est l’organe de la pensée.

Les fonctions cérébrales sont la condition de la pensée. Les fonctions cérébrales sont des mouvements. Donc le mouvement est la