Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
naville. — la physique et la morale

que nous appelons mouvement, chaleur, lumière, affinité chimique, etc., sont transformables les uns dans les autres, et, dans ces modes de l’inconnaissable que nous distinguons par les noms d’émotion, de sensation, de pensée ; celles-ci, à leur tour, peuvent, par une transformation inverse, reprendre leurs premières formes[1]. »

Qu’est-ce à dire ? Le mouvement des corps se modifie selon les résistances rencontrées et le concours des diverses forces en jeu ; mais il se modifie sans cesser d’être purement et simplement le mouvement. Lorsqu’on parle de transformation, le sens du mot, si l’on y prenait garde, préviendrait bien des erreurs. Un changement de forme n’est pas un changement de nature ; l’or revêt des formes indéfiniment variées, sans pour cela devenir du plomb. Dire que le mouvement se transforme en sensation et en pensée, c’est dire que la pensée est une forme du mouvement et par conséquent qu’elle est un mouvement. La formule de la transformation est donc bien semblable dans son contenu à celle de l’identité.

M. Spencer est victime d’une illusion dont l’origine n’est pas difficile à reconnaître. Il sait, comme nous le savons tous, que la chaleur considérée d’une manière objective, c’est-à-dire isolée du phénomène psychique de la sensation, n’est qu’un mouvement ; il expose cette doctrine, qui s’applique aux phénomènes lumineux comme aux phénomènes caloriques, dans les termes que voici : « Le mode de force que nous appelons chaleur est considéré maintenant par les physiciens comme un mouvement moléculaire, non pas un mouvement comme celui qui se manifeste par le changement des rapports que des masses appréciables aux sens affectent entre elles, mais qui se produit parmi les unités dont ces masses sensibles se composent. Si nous cessons de concevoir la chaleur comme la sensation particulière que nous donnent les corps sous certaines conditions, et si nous considérons les autres phénomènes que ces corps présentent, nous ne trouvons soit en eux, soit dans les corps environnants, soit à la fois en eux et dans ces corps, que du mouvement[2]. »

L’auteur qui a tracé ces lignes perd de vue les conséquences de la vérité qu’il a lui-même énoncée. S’il disait : Le mouvement mécanique, ou celui du transport des masses se transforme en un mouvement moléculaire qui se transforme en un mouvement de l’éther, auquel répond la sensation de la chaleur, il indiquerait les change-

  1. Les premiers Principes, p. 232.
  2. Les premiers Principes, p. 212.