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espinas. — philosophie expérimentale en italie

dieuse au mouvement des sciences qui se rattachent par leurs objets aux origines et aux lois de l’humanité, elle attend de leur action le progrès de la philosophie. » (Histoire de la philosophie en Italie, tome ii, p. 289.) On ne peut se résigner de meilleure grâce. Devons-nous croire que dans trente ans le même mouvement de bascule ramènera l’idéalisme rajeuni et triomphant ? C’est ce que l’avenir nous dira. Pour le moment, il faut s’attendre à ce que l’école soit en effet absorbée par ses voisines. Les uns, se souvenant de leur ancienne tendresse pour la psychologie écossaise, pencheront de plus en plus vers l’expérience, ou se feront historiens de la philosophie ; les autres retourneront à la théologie qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Des signes manifestes de ce travail de décomposition commencent à se montrer çà et là ; ils se découvrent même au sein de la Filosofia delle scuole Italiane, qui se transforme lentement.

Les origines du mouvement dont nous allons nous occuper sont anciennes. Le génie latin, malgré son penchant à la superstition, a toujours été ami du fait. Il a toujours eu une vive inclination pour les réalités concrètes. N’oublions pas qu’au xvie siècle l’Italie a pressenti avant l’Angleterre les ressources que devait offrir à la découverte la méthode d’observation. La tradition fondée alors par de grands esprits subsista. Galilée n’est point un accident dans l’histoire de la pensée italienne. Et, bien que favorable à une sorte d’à priori psychologique, c’est par sa prédilection pour l’étude des faits que Vico fut conduit aux vues qui l’ont immortalisé. Dès 1754, les phénomènes sociaux étaient étudiés du point de vue de l’expérience à Naples, dans la première chaire d’économie politique fondée en Europe, par Genevosi, grand admirateur de Locke[1]. Vers le même temps (1758), Condillac venait passer dix ans à Parme, et sa présence donnait une nouvelle impulsion aux tendances spontanées du génie péninsulaire vers la philosophie des sens. Du palais du jeune prince, son élève, l’enseignement de Condillac se répandait dans les écoles de Parme et de Plaisance ; bientôt, il était porté à travers

  1. M. Miraglia, professeur à l’université de Naples, a écrit des pages instructives sur le commencement de l’économie politique en Italie au xviiie siècle (I principii fondamentali dei diversi sistemi dei filosofia del diritto e la dottrina eticogiuridica di G. G. F. Hegel, Napoli, 1873, et Le due fasi della scienza economica in rapporto allo svogimento della filosofia moderna. Napoli, 1875 (voy. la Revue philosophique, tome v, page 105). Il regarde l’abbé Galiani, dont le Traité sur le commerce des grains est de 1770, et Genovesi comme les précurseurs de Smith. Une revue complète devrait comprendre, avec ces deux noms, ceux de Lampredi, de Spedalieri, de Carli (1720-1795), de Verri (Meditazioni sull’ economia politica, 1771) et de Beccaria. M. Miraglia donne de curieux renseignements sur les doctrines de ces différents auteurs, dont la plupart étaient pénétrés des principes de la philosophie des sens.