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stuart mill.fragments inédits sur le socialisme

Une grande partie du profit qu’il tire en plus des trois pour cent constitue la prime d’assurance contre les nombreux genres de perte auxquels le capital est exposé. Il ne peut, s’il est sage, appliquer cette prime à son usage ; il doit la tenir en réserve pour couvrir les pertes quand elles surviennent. Ce qui reste est proprement la rémunération de son habileté et de son industrie, le salaire de son travail et de la direction qu’il donne aux affaires. Sans doute, s’il est très-heureux, le salaire qu’il en tire est très-fort et tout à fait hors de proportion avec celui que la même habileté et la même industrie exigeraient si elles s’offraient en location. Mais, d’autre part, il court de bien autres risques que de demeurer sans emploi, il risque d’avoir le travail et l’inquiétude sans le salaire, de travailler sans rien gagner. Je ne dis pas que les inconvénients balancent les avantages ; je ne dis pas non plus qu’il ne tire aucun avantage de la situation qui fait de lui un capitaliste et un employeur de travail au lieu d’un habile directeur qui loue ses services à autrui. Mais, pour estimer la valeur de cet avantage, il ne faut pas regarder seulement les gros lots de la loterie des affaires. Si nous retranchons les gains des uns, les pertes des autres, et si nous déduisons de la balance une juste indemnité pour payer l’inquiétude et le travail des uns et des autres, en la calculant d’après le prix courant d’une personne habile, il restera, sans doute, une somme considérable, mais qui, comparée à la totalité du capital du pays, reproduit chaque année et dépensé en salaires, demeure bien au-dessous de ce que l’imagination populaire se la figure. Si on l’ajoutait à la part allouée aux travailleurs, elle l’augmenterait beaucoup moins que ne le ferait une invention importante dans l’outillage ou la suppression des distributeurs inutiles et des autres parasites de l’industrie. Toutefois si l’on veut faire une évaluation complète de la portion du produit de l’industrie employée à rémunérer le capital, il ne faut pas se borner à compter l’intérêt prélevé sur le produit par le capital employé à créer ce produit. Il faut y comprendre la somme qu’on paye aux anciens propriétaires du capital, qui a été dépensé improductivement, et qui n’existe plus ; somme qu’on paye, naturellement, aux dépens du produit d’un autre capital. C’est à ce genre qu’appartient la dette nationale dont une nation supporte le fardeau, héritage d’un passé d’embarras financiers, de dangers, de folies et de mauvaise conduite des chefs du gouvernement, où la nation a eu une part plus ou moins grande. Il faut encore y ajouter l’intérêt des dettes des propriétaires fonciers et d’autres consommateurs improductifs, excepté lorsque l’argent tiré de l’emprunt a été dépensé à produire des améliorations rémunératrices dans la production du sol. Quant à la propriété fon-