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capital) est la même qui existe entre la part des produits revenant aux capitalistes et la part collective des travailleurs. De sa part même, une faible partie seulement lui appartient à titre de possesseur de capital. La portion du produit qui échoit au capital, uniquement à titre de capital, est mesurée par l’intérêt de l’argent, puisque c’est tout ce que le propriétaire du capital obtient, quand il ne contribue à la production que par son capital même. Or l’intérêt du capital dans les fonds publics qui passent pour offrir le plus de sécurité est aux cours actuels, qui n’ont pas varié depuis bien des années, d’environ 3, ⅓ pour cent. Encore, dans ce placement, y a-t-il quelques légers risques à courir, celui de la répudiation de la dette, celui d’être obligé de vendre à des cours inférieurs au milieu d’une crise commerciale. En évaluant les risques à ⅓ pour cent, on peut regarder les 3 pour cent restants comme la rémunération du capital, déduction faite de l’assurance contre la perte. Sur la garantie d’une hypothèque, on obtient généralement 4 pour cent, mais à des risques bien plus grands, à savoir l’incertitude des titres de propriété, dans le mauvais système de législation foncière qui régit l’Angleterre, la chance d’avoir à réaliser l’obligation à grands frais de justice, la possibilité de subir des retards dans le payement des intérêts, alors même que le capital demeure sauf. Lorsqu’il arrive que l’argent seul, indépendamment du travail de son propriétaire, fournit un gros revenu, ce qu’on voit quelquefois, par exemple pour les actions de chemins de fer ou d’autres compagnies, l’excédant n’est guère que l’équivalent du risque de perdre tout ou partie du capital, par suite d’une mauvaise administration des affaires. C’est ce qui est arrivé pour le chemin de fer de Brighton, dont le dividende, après avoir été de 6 %, est descendu à rien, puis est remonté à 1 ½ pour cent, et dont les actions, émises à 120, ne peuvent plus se vendre que 43 environ. On entend parler de temps en temps d’intérêts élevés que payent seuls les dissipateurs et les gens besoigneux ; mais c’est qu’avec eux les risques de perte sont tellement grands que peu de gens possédant de l’argent se laissent entraîner à leur en prêter. La clameur qui désigne l’usure comme l’un des plus lourds fardeaux des classes ouvrières n’est pas mieux fondée. Donc, sur les profits qu’un manufacturier ou toute autre personne engagée dans les affaires tire de son capital, on ne saurait guère assigner un revenu de plus de trois pour cent au capital lui-même. Si le capitaliste pouvait, et s’il voulait abandonner la totalité de ce revenu aux travailleurs qui déjà se partagent la totalité de son capital qui se reproduit d’année en année, leurs salaires hebdomadaires n’en recevraient qu’une augmentation insignifiante.