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Cet événement sera bien accueilli par ceux qui suivent les publications de la philosophie italienne. Il les sauve de l’ennui. L’idéalisme tempéré a parcouru noblement sa carrière ; il a rendu jadis, si l’on en croit son historien, M. Ferri, des services appréciables à la cause de l’unité nationale en lui conciliant les sympathies d’une partie du clergé, sans aliéner les libéraux ; il est permis de croire que sans lui la révolution italienne aurait eu un caractère plus exclusif et partant un succès moins assuré[1]. Mais comme doctrine, outre qu’il n’a jamais été qu’un éclectisme destiné à contenter le plus de monde possible, il a donné tout ce qu’il pouvait donner : son évolution a depuis longtemps atteint son terme. Son chef, le vénérable comte Mamiani, laisse une véritable encyclopédie philosophique, si complète qu’il n’y a plus lieu désormais de discuter dans son école que sur des détails insignifiants. Aussi rien n’égale la monotonie des publications de ses jeunes disciples. On croit toujours lire le même article ou le même ouvrage. Les productions de l’école positive rompent heureusement cette uniformité. Et puis ce n’est jamais sans profit qu’on recueille et qu’on rapproche des faits. De ce côté, il est probable que l’Italie contribuera sérieusement à l’avancement de la science ; car, sur le terrain de l’expérience, la moisson est grande, et il n’y a jamais trop d’ouvriers.

C’est ce que semble admettre M. Ferri lui-même, le disciple préféré de M. Mamiani. A propos de l’influence exercée par Moleschott sur la jeunesse, vers 1869, il laisse échapper cet aveu : « Il faut le reconnaître, dit-il, l’aversion actuelle des esprits pour l’idéalisme est bien plus l’effet naturel et général de la marche des idées que le résultat d’un enseignement et d’une pensée personnelle. Cette loi d’action et de réaction, dont les historiens de la philosophie nous font noter la présence dans la succession des systèmes, trouve sans doute ici son application, et l’Italie qui, vers 1830, se sentant à l’étroit dans les méthodes du sensualisme et de l’empirisme, prêtait volontiers l’oreille aux doctrines de Rosmini et de Gioberti, semble rassasiée de systèmes et fatiguée de déductions a priori. Participant par les travaux de quelques savants d’élite et par les aspirations de sa jeunesse stu-

  1. M. Fiorentino lui-même, peu suspect de partialité pour l’éclectisme, ne parle qu’avec respect du rôle politique de Mamiani, qui ha tanto fatto, tanto sofferto per l’Italia,… popolare come uomo politico, stimato come patriotta, mais qui comme génie philosophique est più artistico che speculativo. Op. cit., p. 63. Sur le rôle du clergé dans le mouvement politique et intellectuel de l’Italie avant 1848, voir l’Histoire de la philosophie en Italie an xixe siècle de M. Ferri et le mémoire lu par M. Mamiani à l’Académie dei Lincei Sullo condizioni comuni dell' attuale filosofia d’Europa e sulle particolari della sociata Italiana. Roma, 1878, p. 8 et 9.