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qu’une faible partie de ce qu’elles pourraient donner si elles étaient mieux employées et mieux dirigées.

« Qui, avec un peu de bonne volonté et de réflexion, refuserait de comprendre combien l’incohérence, le désordre, la non-combinaison, le défaut d’association, le morcellement de l’industrie livrée aujourd’hui à l’action individuelle, dépourvue de toute organisation, dépourvue d’ensemble, sont des causes qui rétrécissent la puissance de la production, perdent ou gaspillent nos moyens d’action ? Le désordre n’enfante-t-il pas la pauvreté, comme l’ordre et la bonne gestion enfantent la richesse ? L’incohérence n’est-elle pas une cause de faiblesse, comme la combinaison une cause de force ? Or qui peut dire que l’industrie agricole, domestique, manufacturière, scientifique, artistique et les opérations commerciales sont organisées aujourd’hui dans la commune et dans l’État ? Qui peut dire que tous les travaux qui s’exécutent dans ces domaines sont subordonnés à des vues d’ensemble et de prévoyance ; qu’ils sont conduits avec économie, ordre et entente ? Qui peut dire encore que notre société a la puissance de développer, par une bonne éducation, toutes les facultés que la nature a données à chacun de ses membres ; d’employer chacun d’eux aux fonctions qu’il aimerait, qu’il saurait le mieux exercer, qu’il exercerait par conséquent avec plus d’avantage pour lui et pour les autres ? A-t-on seulement pensé à poser le problème des caractères, de l’emploi social et régulier des aptitudes naturelles et des vocations ? Hélas ! l’utopie des plus ardents philanthropes, c’est d’apprendre à lire et à écrire à vingt-cinq millions de Français. Encore peut-on dans les circonstances actuelles les mettre au défi de réussir.

« N’est-ce pas une étrange chose aussi, et qui accuse bien haut, que ce spectacle d’une société, où la terre n’est pas ou est mal cultivée, où l’homme est mal logé, mal vêtu, où mille travaux ingrats sont à faire, et où des masses d’individus manquent à chaque instant de travail et s’étiolent dans la misère, ne pouvant en trouver ? En vérité, en vérité, il faut bien reconnaître que, si les nations sont pauvres et faméliques, ce n’est pas que la nature et l’art ne leur fournissent les moyens de créer d’immenses richesses, mais c’est qu’il y a anarchie et désordre dans l’emploi que nous faisons de ces éléments : autrement dit, c’est que la société est piteusement faite, et l’industrie non organisée.

« Mais ce n’est pas tout, et vous n’aurez qu’une faible idée du mal si vous ne réfléchissez pas qu’à tous ces vices, qui tarissent la source des richesses et du bien-être, il faut ajouter encore la lutte, la discorde, la guerre sous mille noms et mille formes, que notre société