Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée
19
espinas. — philosophie expérimentale en italie

Il y a trois ans, nous aurions hésité à nous servir de ce mot d’école au sujet des dissidents de l’idéalisme absolu ou tempéré. Mais voici que l’Italie, tard venue dans la voie de l’expérience, y marche avec une hardiesse singulière. Ce n’est pas que les idées nouvelles y soient devenues populaires. Encore moins ont-elles une place autorisée dans l’enseignement de l’État. L’influence n’a pas cessé d’appartenir dans les sphères gouvernementales aux Mamianistes, et bien que quelques professeurs plus ou moins ouvertement darwinistes aient çà et là trouvé place dans les lycées, bien que certains positivistes déclarés aient pu occuper des chaires de Faculté à Rome et surtout en province, il est à craindre que la grande majorité des universitaires en soit encore à la philosophia perennis, née, comme on sait, dans l’Éden et mise en ordre par Auguste Conti[1]. Ce sera là longtemps encore, sans doute, la note dominante de l’opinion moyenne. Il n’y a donc qu’un public restreint qui fasse accueil aux livres dont nous parlons. Ce sont des étudiants, des médecins, des savants qui le composent. Et les écrivains qui se risquent à produire de tels ouvrages sont encore clair-semés ; car pour cela il faut étudier les sciences physiques et naturelles, renoncer au style cicéronien, accumuler péniblement des faits, choses malaisées quand on a reçu une éducation exclusivement littéraire et théologique. Je ne parle pas des difficultés matérielles, qui sont énormes dans un pays où la philosophie indigène ne se lit plus et où les éditeurs n’ont d’oreilles que pour les traducteurs d’ouvrages étrangers. Avec tout cela, le livre de M. Ardigò que nous analyserons tout à l’heure en est à sa troisième édition. Les publications de ce genre se multiplient de jour en jour. Sans l’instabilité des professeurs et la dispersion des anciens centres provinciaux qui en résulte, les nouveaux venus auraient très-certainement quelque part un organe. En tout cas, les philosophes et les savants, en petit nombre et disséminés, qui prennent pour règle de leurs recherches les principes de la philosophie expérimentale, ont dès maintenant assez de traits communs et se tiennent par des liens assez étroits pour constituer une école au sens actuel de ce mot, c’est-à-dire, si l’on veut, un groupe, suffisamment homogène déjà, et appelé à occuper une place distincte dans l’histoire des idées en Italie.

    di Pietro Siciliani. Bologna, 1878. — Enrico Ferri : La teorica déll' imputabilita e la negazione del libero arbitrio. Firenze, 1878. — Cesare Lombroso : L’uomo deliquente in rapporta all' antropologia, giurisprudenza e alle discipline carcerarie. — De Dominicis : la Pedagogia e il Darwimsmo. Bari, 1877.

  1. Voy. La filosofia contemporanea in Italia, par Francesco Fiorentino, Naples, 1876. Sur la philosophie de Conti et son influence délétère dans les écoles, cet ouvrage donne les plus curieux renseignements : pages 70 et 77.