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maximes que le même système social a pu consacrer comme autant de principes ? On sait la flexibilité merveilleuse des opinions humaines ; on a reconnu qu’elles consacrent toujours les faits existants, et qu’à leurs yeux tout ce qui n’est pas encore est funeste ou impraticable. Donc, au nom de quoi vient-on assurer aux classes subordonnées que la distinction qui sépare le riche du pauvre repose sur une nécessité plus impérieuse que tant de faits antiques, jadis consacrés par une longue durée, et qui, une fois abolis, ont été condamnés par ceux-là mêmes qui en avaient tiré profit ? On ne saurait admettre cette nécessité sur la parole de la partie intéressée. Les classes ouvrières ont le droit de demander que toutes les institutions sociales sans exception soient soumises à un nouvel examen, et que toute question soit considérée comme si elle se posait aujourd’hui pour la première fois, sans jamais perdre de vue l’idée que les personnes qu’il s’agit de convaincre ne sont pas celles qui tirent du système actuel leur influence ou leur bien-être particulier, mais celles qui n’ont d’autre intérêt dans la question que la justice abstraite et le bien général de la communauté. Il faudrait rechercher comment un législateur sans préjugé, absolument impartial, jugeant entre les possesseurs de la propriété et les non-possesseurs, pourrait statuer sur l’institution ; il faudrait trouver pour la défendre des raisons capables d’agir sur un tel législateur, et non des motifs qui ont l’air d’avoir été inventés pour légitimer le fait existant. Les droits ou les lois a priori qui ne supportent pas cette épreuve, devront tôt ou tard disparaître. En outre, il faudrait prêter une oreille impartiale à toutes les objections qu’on oppose à la propriété même. Il faudrait reconnaître avec franchise tous les maux et tous les inconvénients qui s’attachent à l’institution, même sous la forme la meilleure qu’elle revête, et appliquer les remèdes et les palliatifs les plus efficaces que l’esprit humain soit capable d’imaginer. Enfin, il faudrait examiner avec la même sincérité, au lieu de les déclarer d’avance absurdes et impraticables, tous les plans qui seraient proposés par les réformateurs de la société, de quelque nom qu’on les appelle, en vue de réaliser les avantages qu’on se promet de l’institution de la propriété, sans en subir les inconvénients.


Objections des socialistes à l’ordre actuel de la société.

De même que, dans toutes propositions de changement, il y a deux éléments à considérer, ce qu’il faut changer et ce qu’il faut mettre à la place de ce qu’on supprime, de même, dans le socialisme consi-