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est certain, autant qu’une chose peut l’être en politique, qu’ils ne tarderont pas à découvrir les moyens d’employer énergiquement leur force électorale collective à la réalisation de leurs visées collectives. Quand ils y viendront, ils n’agiront pas à la façon désordonnée et inefficace d’un peuple qui n’a pas l’habitude de se servir du mécanisme des lois et de la constitution ; ce ne sera pas davantage par l’effet d’un pur instinct de nivellement. Les instruments dont les ouvriers se serviront seront la presse, les réunions publiques, les associations ; ils enverront au Parlement le plus grand nombre possible de personnes dévouées au service des plans politiques des classes ouvrières. Ces plans politiques seront eux-mêmes déterminés par des doctrines politiques définies, car on fait aujourd’hui de la politique une étude scientifique au point de vue des classes ouvrières ; des opinions inspirées par leur intérêt spécial s’organisent en systèmes et en credo qui réclament leur place sur le terrain de la philosophie politique, au même titre que les systèmes élaborés par les penseurs qui nous ont précédés. Il est de la dernière importance que tous les hommes capables de réflexion se mettent de bonne heure à considérer ce que pourront bien être ces credo politiques du peuple ; qu’on soumette chacun de leurs articles au creuset de l’étude et de la discussion, pour que, s’il est possible, quand l’heure aura sonné, on puisse, d’un consentement général, adopter tout ce qu’il y aura de bon dans ces formules et rejeter tout ce qu’il y aura de mauvais. De la sorte, au lieu d’user les forces de la société dans une lutte matérielle, ou seulement morale, entre l’ancien état de choses et le nouveau, on ferait entrer dans un édifice social restauré ce qu’il y aurait de mieux dans les deux. Au pas dont marchent ordinairement les grands changements sociaux qui ne sont pas les résultats de la force matérielle, nous avons devant nous une durée d’environ une génération. De l’emploi qu’on fera de ce répit dépendra le résultat : l’adaptation des institutions sociales au nouvel état de la société humaine sera l’œuvre d’une sage prévoyance ou le résultat d’un conflit de préjugés opposés. L’avenir du genre humain sera exposé à de grands périls, si les grandes questions demeurent abandonnées à la compétition d’aveugles partisans du changement et d’adversaires non moins aveugles qui voudront l’empêcher.

L’étude qui s’impose aujourd’hui doit remonter jusqu’aux premiers principes de la société actuelle. Les doctrines fondamentales tenues pour incontestables par les générations qui nous ont précédés sont aujourd’hui remises sur le tapis. Jusqu’à ce jour, l’institution de la propriété sous la forme où elle nous a été léguée par le passé