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par idéalisme transcendantal de tous les phénomènes la doctrine qui les regarde tous comme de simples représentations et non comme des choses en soi, et d’après laquelle le temps et l’espace ne sont que des formes sensibles de notre intuition. » Le problème de l’idéalisme porte donc uniquement sur la réalité des phénomènes. — c. Par suite, il est opposé à « l’idéalisme sceptique » ou encore « empirique », celui de Descartes par exemple, qui révoque en doute la réalité de la matière, parce qu’il la tient pour insaisissable à nos sens. L’idéalisme sceptique est « un bienfaiteur de la raison humaine », en ce qu’il nous ouvre les yeux sur la subjectivité des phénomènes. Mais, d’autre part, il constitue un « réalisme transcendantal » qui élève l’objet extérieur au rang de chose en soi et attribue une réalité absolue au temps et à l’espace. — d. Réciproquement, l’idéalisme transcendantal est un « réalisme empirique ». Il établit l’existence de la matière et la réalité des phénomènes, en tant que donnés dans la conscience. Il se concilie donc aisément avec les conclusions de la déduction[1], — e. Quant à la supposition d’une pluralité de choses en soi, partout présente dans la Critique[2], elle reste absolument étrangère à la conception de l’idéalisme transcendantal. Elle est partout présente dans la Critique. Elle se trouve à la base de l’esthétique : « Le phénomène doit toujours être envisagé sous deux points de vue : l’un où l’objet est considéré en lui-même ; l’autre où l’on a égard à la forme de l’intuition de cet objet[3]. » Elle reparaît dans l’analytique avec la même signification : « Il suit du concept d’un phénomène en général que quelque chose lui doit correspondre qui ne soit pas en soi un phénomène, mais un objet indépendant de notre sensibilité. » Et plus loin : « En avertissant la sensibilité de ne pas prétendre s’appliquer à des choses en soi, mais de se borner aux phénomènes, l’entendement conçoit un objet en soi, mais simplement comme un objet transcendantal qui est la cause du phénomène (qui par conséquent n’est pas lui-même un phénomène)[4]. » Enfin la supposition est poussée un peu plus loin dans la dialectique, où, à propos de la réalité de la série des événements écoulés avant nous depuis un temps indéfini, Kant se hasarde à déterminer l’idée de la causalité des choses en soi. Il ne peut se référer pour cela à la catégorie de causalité, qui n’a qu’un usage empirique. Au contraire, il affranchit la causalité, « dans son caractère intelligible », de toute détermination par des phénomènes, c’est-à-dire de toute nécessité naturelle, et il conclut que la liberté est la causalité des choses en soi[5]. — Mais il suit justement de là que l’idéalisme transcendantal n’est pas inconciliable, ou plutôt qu’il

  1. Voy. Critique de la raison pure, tome ii, p. 451 et suiv.. Traduction Barni.
  2. « Die durchaus unbezweifelte Voraussetzung einer Mehrheit virkender Dinge an sich », répète souvent M. Eidmann.
  3. Crit., p. 93, tome i.
  4. Crit., tome Ier, p. 316, rem. ; p. 349.
  5. Crit., tome ii., p. 139-142.