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Benno Erdmann. — Immanuel Kants Prolegomena zu einer jeden kunftigen Metaphysik. (Nouvelle édition précédée d’un commentaire historique, cxiv-155 p.) Leipzig, 1878.

Cette nouvelle édition des Prolégomènes de Kant révèle la main d’un éditeur amoureux de sa tâche. Le format est élégant, l’impression très-soignée, coquette même (à nous faire rougir de nos Ladrange) ; le texte a été révisé sur l’édition originale de 1783, comparé à celui qu’ont donné Rosenkranz et Hartenstein, corrigé de manière à concilier le respect scrupuleux de la pensée de l’auteur avec les exigences du lecteur moderne, qui est bien aise qu’une orthographe vieillie ou le goût immodéré de Kant pour les signes de ponctuation ne lui cachent pas les idées ; une note supplémentaire discute les principes qui ont présidé à ces corrections, une table en donne la liste complète ; la pagination de l’édition primitive est reproduite à la marge, celle des autres éditions est donnée par un tableau comparatif. Bref, Kant obtient tous les honneurs qui sont dus à un classique.

Et cependant là n’est pas l’intérêt de cette publication. Il est dans le commentaire historique placé en tête du volume et dans les conclusions de ce commentaire, que l’édition elle-même est chargée de figurer aux yeux. M. Benno Erdmann, dont le nom est bien connu de nos lecteurs de la Revue, a cru s’apercevoir que les Prolégomènes ont été composés en deux fois et sont formés de deux parties d’inspiration et de tendance différentes. Il a voulu suivre jusqu’au bout les deux courants d’idées que Kant avait confondus ensuite à dessein, et il a été amené ainsi à étudier de très-près les Prolégomènes tant en eux-mêmes que dans leurs rapports avec la 1re édition de la Critique de la raison pure. Il expose aujourd’hui ses recherches dans une introduction presque aussi étendue que l’ouvrage de Kant. On le remarque, parce qu’il s’en excuse. D’ailleurs l’art sévère de la composition, l’élégante précision du style, l’intérêt des questions agitées, l’érudition judicieuse de l’auteur, toutes ces qualités font de ce commentaire un travail remarquable et déjà remarqué en Allemagne[1]. Nous ne pouvons le suivre pas à pas. Du moins nous résumerons fidèlement les résultats auxquels il arrive en les groupant autour de deux ou trois idées essentielles.

I. Composition des Prolégomènes (p. i-xxviii). — Vers la fin de l’année 1780, Kant achevait la rédaction de la Critique de la raison pure. Il y avait dix ans qu il gardait le silence. Il avait conscience de la grandeur de son œuvre ; il savait qu’elle était attendue. Herz, le plus éminent après Herder et Kraus de ses disciples d’avant la Critique, Kraus lui-même, pendant un séjour qu’il fil à Berlin en 1778, avaient fait connaître la tendance de ses recherches nouvelles. Dans les cercles philosophiques les plus éloignés, on n’ignorait pas que le philosophe de

  1. Vierteljahrssschrift für wissenschaftliche Philosophie, 2e et 4e livraisons, 1878.